Je l'ai déjà écrit : « Frankenstein » est une œuvre que j'ai beaucoup étudiée et pour laquelle j'ai un attachement extrêmement particulier : je ne pouvais, donc, décemment pas passer à côté de ce biopic consacré à sa « créatrice », Mary Shelley. Et j'avoue être un peu dubitatif. Alors soyons clairs : quand j'écris dubitatif, ce n'est pas par manque de rigueur historique ou de travail dans l'écriture ou même la réalisation. Cela a beau être classique, voire frôler l'académisme, c'est appliqué, soigné, exploitant convenablement un budget manifestement réduit, notamment dans les décors et la reconstitution. Il y a un vrai travail de recherche, de la rigueur, on ne raconte pas n'importe quoi histoire d'idéaliser ou romancer des personnages historiques qui ne le mériteraient pas... Malgré un manque manifeste de lyrisme et de passion, ça passe, d'autant qu'il peut se justifier par une volonté de réalisme : ça se défend. Ce qui se défend moins, me concernant, c'est le choix d'Haifaa Al-Mansour de transformer son film en plaidoyer féministe au détriment d'un peu tout le reste : je ne marche pas. Lorsque j'ai vais voir un biopic sur l'auteur de « Frankenstein », je veux qu'on me parle de littérature, pas de féminisme. Or, si la première n'est pas totalement exclue du propos, elle passe clairement au second plan, souvent de façon assez discutable. Alors je suis d'accord : au vu de l'époque et de la situation des femmes, moquées voire méprisées lorsqu'elles souhaitaient écrire et être publiées, il est ô combien normal que la réalisatrice l'évoque. D'ailleurs, la scène où l'on voit Mary
rencontrer toutes les maisons d'édition pour leur proposer sans le moindre succès son superbe roman
est dans doute l'une des meilleures. Mais c'est un peu omniprésent, même lorsque cela ne se justifie pas, si bien que j'ai parfois un peu décroché, lassé de ne pas voir ce que j'espérais. Certains choix sont également étranges, notamment le choix d'Elle Fanning, actrice américaine pour interpréter une anglaise, d'autant que si elle ne démérite pas, son interprétation manque de ferveur et de passion. Elle est, en revanche, plutôt bien entourée par une belle galerie de seconds rôles (tous anglais, eux), parmi lesquels Douglas Booth et Stephen Dillane, tous deux très convaincants, notamment le second. Après, comme je l'ai écrit précédemment, et même si la relation amoureuse Mary - Percy Shelley est quelque peu embellie, elle ne l'est pas trop non plus, ne passant pas sous silence les conflits ou malheurs qu'a pu engendrer leur union, les autre personnalités de leur entourage (notamment ceux de la fameuse nuit où « Frankenstein » a pris forme), Lord Byron et le Docteur Polidori étant également présentés avec réalisme, mettant notamment à mal le statut du premier. Rien de déshonorant, donc. Faire le choix du réalisme historique au détriment d'une vision plus « bisounours », c'est très méritant. Transformer le portrait d'un des plus grands noms de la littérature en manifeste pro-féministe au détriment de son immense talent d'auteur, ça l'est nettement moins. La jeune femme méritait mieux que ce film respectueux et un peu longuet.