Le nouveau cinéma indien se porte très bien, merci pour lui. Après La saison des femmes, dans un style très différent, Court, premier film d'un prodige indien de 27 ans (au moment du tournage), le démontre avec brio. Plutôt que de dénoncer une injustice à partir d'un cas avéré de fausse accusation, le réalisateur, Chaitanya Tamhane, fait le procès de la justice indienne sur un ton naturaliste et souvent contemplatif, le plus souvent en plans larges, qui loin d'atténuer son propos, le renforce abondamment. Toute la violence et les contradictions de l'Inde s'y trouvent concentrées au point que le film pourrait presque être un documentaire. Presque, seulement, car Court est semé de scènes qui quittent le prétoire pour s'attacher aux pas d'une procureure, d'un avocat et d'un juge, jusque dans leur vie quotidienne et leur cuisine. Le résultat est étonnant : il pourra sembler fastidieux à certains car sans autre fil conducteur qu'un procès qui traîne en longueur mais ce qu'il montre de l'Inde, la corruption, l'incurie, la pauvreté, l'extrême diversité des langues et des croyances, en font une caisse de résonance absolument passionnante pour qui s'intéresse à la complexité du sous-continent. Pour reprendre un vieux cliché éculé ; entre tradition et modernité, le portrait vertigineux d'un système vicié et inique dénoncé avec subtilité et la froideur d'un constat distancié.