Encore un film qui nous démontre la vitalité, l'originalité, la créativité du cinéma chinois!! Je n'avais jamais vu d'oeuvre de Wang Xiaoshuai, moins connu sans doute que le déjà très grand Jia Zhang-ke, mais Red Amnesia est à ne rater sous aucun prétexte!!
Thriller? l'ambiance est constamment angoissante, un peu glauque.... le fils aîné qui a bien réussi tremperait il dans des affaires pas claires? Ou bien sont ce les fantasmes d'une femme âgée qui perd un peu la boule après la mort de son mari (qui a toujours son bol de riz à table....). Ha Ha! Ni l'un ni l'autre, ou bien un peu des deux, mais vous pensez bien qu'il y a nécessairement un fond politique, qui ramènera aux années terribles du "grand bond en avant"....
L'héroïne, Deng, une suave (sauf quand elle se met en colère) septantenaire, vit à Pékin, dans un quartier plutôt résidentiel, qu'elle arpente d'un pied énergique, traînant derrière elle son caddy à roulettes, son sac en bandoulière en travers de son tee-shirt: bien campée en quelques plans. Lü Zhong, qui a du être bien jolie, est parfaite.
Deng a toujours vécu à Pékin, sauf durant quelques années où son usine a été décentralisée dans les montagnes, loin de la ville.... Elle a deux fils; l'aîné, Jun, (Feng Yuanzheng), marié, un enfant, semble avoir une bonne situation; le plus jeune, Bing (Hao Qin) vit un peu marginal, et est homosexuel. Deng professe qu'elle ne veut pas être une charge pour ses enfants.... quoique en réalité elle leur pourrisse la vie en débarquant chez eux à toute heure, sous prétexte de leur faire de la bonne cuisine -spécialité: boulettes. Tout cela est bien vu, bien dessiné, bien campé -sans oublier la belle-fille, (Hailu Qin) qui a bien du mal à toujours garder la politesse indispensable vis à vis des anciens.... Il y a encore la vieille mère de Deng, qu'elle va voir régulièrement à l'hospice. A peu de choses près, on est dans une famille française!
Mais depuis quelques temps, Deng reçoit des coups de téléphone -personne ne parle. Et puis, une brique qui casse une fenêtre. Et puis, l'impression que quelqu'un la suit, peut être un très jeune homme? (Shi Liu). Est elle en train de dérailler? Y a t-il réellement quelque chose dans son passé qui lui revient, et dont elle parle à son mari (mort, donc absent) devant son bol de riz (bien présent)?
On la suivra dans ce village des montagnes, village ouvrier, artificiel, petites maisons de brique rouge qui lui donnent, là encore, un aspect universel, très loin du folklore, village maintenant abandonné, les ouvriers y ont été amenés, et puis l'usine a fermé à son tour, les ouvriers ont été à nouveau ballottés au gré des ukases du pouvoir...
En tous cas ce film riche, puissant, qui nous fait réfléchir sur ce qu'a pu être la vie du peuple chinois sous Mao est aussi un film bouleversant.
Les cinéastes chinois vont ils pouvoir continuer à s'exprimer, avec leur nouveau Mao habillé des élégants costumes du libéralisme économique.... On l'espère!!