Baby Driver, alias Ansel Elgort, est chauffeur pour gangsters. Ses aptitudes de pilote dépassent de peu ses autres talents : équipier efficace et attentif à tout, musicien, aimant son père adoptif et sain en relations, c'est l'idéal masculin sans les tares – sauf le trauma. Avoir été dans l'accident où ses parents trouvèrent la mort, voilà qui sera sa seule vraie faiblesse, car même si l'idée du film est de parcourir le chemin initiatique d'un jeunot qui découvre le crime de grande envergure, Wright n'en fait pas un héros invincible ni un ignorant immature qui s'apprête à prendre la gamelle de sa vie pour en ressortir transformé.
La voie du milieu est tellement rare à Hollywood que je pourrais m'étaler en éloges dessus. Je pourrais détailler, par exemple, sur comment il s'accroche à sa romance naissante sans s'abaisser à mentir, et sur la manière dont il se remplit d'un remords muet quand il doit lâcher prise. Je dis muet car, malgré les crimes gravissimes qu'il a sur la conscience, ses états d'âme sont montrés explicitement (oui, parce que « explicite » ne veut pas dire « ostentatoire », comme tant d'autres films le croient), mais ne tombera jamais dans l'hyperdrame suivi de la remontée des Enfers. Baby Driver a la classe dans sa manière d'affronter la vie, pas de l'esquiver - et on a beau être devant un divertissement sans grand réalisme, ça donne une sacrée contenance à l'ouvrage. Encore que, sans réalisme, c'est à voir : les scènes de conduite sont quand même sans CGI.
Je cherche toujours la petite bête chez les films que j'aime, et j'allais dire qu'il y a un peu de convenu (une partie des alchimies initiales sera balayée par le manichéisme brutal du méchant qui veut se venger, notamment) mais ce que je réalise surtout en écrivant tout ça, c'est que j'ai une bonne raison de faire un paragraphe entier sur cette manière d'écrire le chemin initiatique : elle était excellente, voilà tout. C'est distrayant, l'aspect familial est amené intelligemment sans jamais se montrer superflu, et c'est bien fait.
Je n'avais pas prévu d'écrire un panégyrique sur un film de genre, pourtant le meilleur reste à venir : c'est aussi un film semi-musical ! Misant vraiment tout pour que son personnage ait une classe de niveau bande-annonce, Wright va également mobiliser le rythme et la musique. Ce rythme, qui fait juste une embardée avec un montage légèrement trop actif, il veut le soigner, et qu'il soit partout. Quitte à synchroniser musique et coups de feu, et traduire une partie du non-verbal de ses personnages en danse. Un rythme omniprésent, il se trouve que ça préserve efficacement le niveau de swag, même quand on doit finir par détruire la figure paternelle de Kevin Spacey afin de s'assurer que la morale criminelle (la loi du plus fort) puisse s'appliquer comme il faut.
Je n'ai pas encore la certitude que Baby Driver vieillira bien dans ma mémoire, étant tout de même très orienté sur un sujet déjà bien couvert, pour un résultat de surface assez dans les normes. C'est dans son purisme et son engagement scénaristique qu'il détonne, des atouts loin d'être superficiels et qui ne s'adressent pas au public décérébré qu'on s'imagine comme spectateur stéréotypique de Fast and Furious. Un carton qui prend par surprise.