La plupart des réalisateurs qui ont une histoire en tête s’efforcent par après de trouver la musique idéale pour l’illustrer de la meilleure façon possible.. Pour ‘Baby driver’, c’est le contraire : il semble qu’Edgar Wright avait déjà une playlist bien établie à l’esprit, qui virevolte des Damned à T.Rex en passant par Queen et Focus, et se soit ensuite attelé à l’élaboration d’un film qui collerait parfaitement à son juke-box mental. Et donc, ce qu’il en a tiré, c’est un classique film de braquage, avec des gangsters aussi crapuleux et adeptes des taglines qui claquent qu’ils peuvent l’être dans les Comics (ou chez Guy Ritchie) un commanditaire à la bonhomie reptilienne et, surtout, le petit prodige du volant qui leur sert de chauffeur et n’enlève jamais les écouteurs de ses oreilles lorsqu’il est en mission. La séquence d’ouverture, une poursuite autoroutière trépidante au sortir de l’attaque d’une banque, possède tout ce qu’il faut pour devenir un véritable mètre-étalon du genre, et impose ‘Baby driver’ comme une sorte de version pop et Bubblegum de ‘Drive’. Ironiquement, c’est quand il s’efforce d’aller au-delà de ce statut de divertissement motorisé décérébré que ‘Baby driver’ se prend les pieds dans le tapis. C’est d’ailleurs un peu bizarre, quand on y pense : on trouve toujours plein de raisons de se plaindre quand un film s’avère incapable d’élaborer un contexte, d’assigner des finalités, d’épaissir ses personnages...et c’est exactement contre cette situation que le scénario de ‘Baby driver’ s’efforce de lutter puisqu’il développe le lien mémoriel fort que Baby entretient avec sa mère disparue, les raisons qui le poussent à écouter son Ipod en permanence, sa relation avec le vieil homme sourd-muet, témoin contrarié de sa double-vie, qui l’a recueilli ou avec la jolie serveuse avec qui il rêve de filer vers l’Ouest. Tous ces éléments, pourtant pas plus mal conçus qu’ailleurs, ne suscitent pas vraiment d’intérêt et en viennent même à provoquer un début d’irritation, tant ils donnent l’impression de tirer inutilement en longueur, sans rien apporter d’essentiel, alors qu’on piaffe d’impatience pour un peu d’action sur quatre roues. Peut-être que c’est justement cette dégaine de vidéo-clip géant, de film conçu autour d’une sélection musicale avec laquelle il noue un dialogue rythmique permanent, de road-movie tout juste pubère dans lequel on recherche une atmosphère et un état d’esprit bien plus qu’une histoire, qui induit ce ressenti paradoxal. ‘Drive’ souffrait à l’occasion du même problème mais crépusculaire et autrement plus charismatique, le phénomène passait inaperçu. Même remarque avec les films de Tarantino, desquels on pourrait également rapprocher ‘Baby driver’ de temps à autre. Et puis, quand je lis qu’il a été considéré en 2017 comme le “le film le plus cool de l’été’, je me dis aussi qu’en fait, je suis peut-être juste trop vieux pour comprendre.