Il y a des films, comme ça, dont on sent, par essence, qu’ils vont nous emmener dans une lutte humaine, intérieure et en même temps humaniste, parce qu’elle va toucher le public dans ses craintes les plus intimes : Celles d’avoir un jour à lutter pour retrouver une vie que l’on nous aurait fauché par accident ou par attentat. « Stronger » vient nous raconter l’histoire de cet homme qui, a la base de l’histoire, n’aurait pas dû être présent sur la ligne d’arrivée du marathon de Boston, mais qui, uniquement dans le but de vouloir reconquérir sa belle, se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment. C’est évidemment un sujet universel que celui de l’amour contrarié par les bombes, mais à la différence de bien des films racontant l’histoire d’une renaissance, le film de David Gordon Green va puiser au plus intime du personnage pour pouvoir en ressortir tout ce combat à la fois physique et personnel qui va d’abord forcément le faire passer par différents stades : La peur, la colère et l’acceptation.
Mais là où d’autres y verraient une bonne aubaine pour pouvoir mettre en avant l’aspect nationaliste, patriotique : « Les Américains se relèvent toujours ! », le réalisateur et son scénariste ont, au contraire, profité de l’occasion d’adapter ce livre de Jeff Bowman lui-même, pour pouvoir montrer toutes les dérives qu’il peut y avoir à faire de victimes, des héros sortis d’un drame aussi destructeur émotionnellement que l’attentat du marathon Boston. Car ce qui ressort de ce film ce n’est pas simplement le combat personnel du personnage, c’est surtout la machine héroïque qui est en capacité de le broyer et qui aveugle totalement le reste de sa famille, qui ne perçoit pas le moindre signe d’une descente aux enfers de celui qu’ils pensent être en train de soutenir.
Et, à la différence du prochain Clint Eastwood « Le 15 :17 pour Paris », dont la bande-annonce fait déjà apparaître une adaptation ultra patriotique du fait divers du Thalys, « Stronger » a l’intelligence de reculer au maximum des scènes inévitables de liesse populaire pour au contraire montrer à quel point la reconnaissance des un, fait le calvaire des autres. Car il faut bien comprendre que Bowman veut avant tout oublier le drame qu’il a vécu, et que chaque interview, chaque demande venue de quelque média que ce soit ou de quelque anonyme que ce soit, le replonge chaque fois un petit peu plus dans son enfer. À côté de lui Erin, tente tant bien que mal de le tenir à bout de bras, mais c’est un fardeau un peu lourd à porter, lorsqu’en plus la personnalité du héros est aussi compliquée à gérer que sa famille.
Et c’est toute l’intelligence de ce film, que d’avoir su, avant tout, en totale collaboration avec Jeff Bowman, a toucher au plus profond et au plus intime du personnage, quitte à en casser l’image pour mieux la reconstruire et ainsi donner une œuvre poignante et puissante autour de la renaissance d’un homme brisé par un attentat. Du coup le message ne devient pas simplement américain, il devient universel puisqu’il peut éventuellement donner une ligne de conduite à toutes les victimes de ces actes barbares qui luttent pour retrouver un semblant de vie qu’on leur a volé.
Et dans le rôle de Jeff Bowman, on retrouve Jake Gyllenhaal (Night Call) qui nous montre une fois de plus un talent indéniable pour interpréter ces personnages brisés, tourmentés, et tout autant attachants et séduisants. L’acteur ne fait jamais dans la caricature, il ne déforme en rien son personnage, au contraire il lui apporte une fraîcheur et une intensité que l’on avait rarement vu dans une composition. Face à lui Tatiana Maslany (La femme au tableau) est absolument renversante de dignité et de profondeur dans un personnage qui doit à la fois lutter contre sa propre culpabilité et avoir de la force pour deux.
En conclusion « Stronger » est une œuvre intelligente et sensible qui a su toucher la corde sensible. Un film qui peut donner enfin au public une idée réaliste, poignante et puissante de ce qu’est la reconstruction d’une victime d’un attentat. Et même si le film ne peut éviter une scène que l’on pourrait interpréter comme nationaliste, il parvient, au contraire, à en faire une critique d’un système qui veut absolument porter les victimes en héros, mais qui au contraire les broies un peu plus à chaque hommage.