Nombre de critiques se sont accordés à souligner, ces dernières années, le supposé manque d’inspiration de Tim Burton, cinéaste qui, dans ses œuvres les plus récentes, semblait avoir perdu beaucoup de ce qui faisait l’originalité de ses premiers films. Ces jugements, trop sévères à mon avis, ne manquaient cependant pas de justifications. Quoi qu’il en soit, l’adaptation de « Dumbo », qui sort aujourd’hui, a de quoi rassurer : nul doute que le cinéaste a trouvé là une histoire à sa convenance.
Le film qu’il a réalisé est, en tout cas, un régal pour l’intelligence comme pour les yeux. On y retrouve d’ailleurs sans peine les obsessions du cinéaste et, en particulier, l’attrait qu’ont souvent exercé sur lui les êtres marqués par une différence et qui, de ce fait, se trouvent incompris, marginalisés, rejetés, moqués. Dès le début du film, le train qui ramène au cirque Medici un revenant de la guerre de 14, amputé d’un bras, semble avoir un drôle d’air sarcastique. Au cirque, ce dernier (Colin Farrell) espère retrouver son emploi et surtout ses deux enfants, Joe et Milly. Ils sont bien là, tous les deux, et l’on n’est pas près de les quitter, car ce sont eux, les enfants (en particulier Milly, la fille aux grands yeux) qui sauront le mieux se rendre disponibles à l’éléphanteau qui vient de naître. Or l’étrange animal est doté d’oreilles surdimensionnées qui semblent le handicaper mais se révèlent bientôt totalement magiques puisqu’elles lui donnent la capacité de voler comme un oiseau.
Très justement, très finement, Tim Burton tire parti de l’anomalie physique du jeune éléphant pour mettre à nu le cœur des gens. D’abord raillé et moqué par la foule des spectateurs (qui, plus tard, applaudira quand elle assistera à ses performances), l’éléphanteau ne tarde pas à provoquer chez certains quelque chose d’encore moins reluisant que la moquerie : le lucre. Un éléphant capable de voler, voilà qui peut rapporter gros, n’est-ce pas ? Séparé de sa mère, vendu à un rapace nommé Vandemere (Michael Keaton), Dumbo est tout désigné pour devenir le clou du grand show concocté par le magnat dans un parc qui ressemble étrangement (ô ironie !) à un parc de Disneyland, rebaptisé ici Dreamland. Un pays des rêves qui pourrait bien engendrer des cauchemars…
Face aux exploiteurs, face à ceux qu’aucun scrupule ne retient, il reste cependant, nous dit Tim Burton, ceux qui ont encore un cœur pur, Joe et Milly les enfants, leur père, les autres artistes de cirque, par exemple. Les grands moyens, le grand spectacle, les effets spéciaux bluffants, tout est là, tout est remarquable, mais le plus important, décidément, c’est le cœur !