Les récentes productions de Disney n’enchantent guère, choisissant de faire des remakes en live-action de leurs succès d’antan au lieu de rechercher de nouvelles histoires et des univers originaux. C’était le cas, récemment, de La Belle et la Bête (Bill Condon, 2017), du Livre de la jungle (Jon Favreau, 2016) ou, bientôt, du Roi Lion (du même Jon Favreau). Dumbo semblait appartenir à cette lignée, mais c’était compter sans la patte d’un véritable auteur, Tim Burton, que l’on retrouve avec joie.
Le cinéaste a pris de nombreuses libertés par rapport au dessin animé de 1941, qui durait seulement une heure. Nous sommes toujours dans l’univers du cirque lorsque survient le naissance de Dumbo, un éléphanteau anormalement doté de grandes oreilles. Les deux enfants d’un dresseur de chevaux tout juste rentré de la Grande Guerre (Colin Farrell) se lient à l’animal, et ne tardent pas à découvrir son talent : il parvient à voler. Le chef du cirque ambulant (Danny DeVito) s’empresse d’annoncer la bonne nouvelle, et le public commence à accourir, curieux d’assister à un spectacle hors-normes… La nouvelle à tôt fait de se propager aux oreilles du directeur de Dreamland (Disneyland ?), qui obtient un contrat pour faire venir Dumbo et la troupe dans son fief. La rupture entre le monde du cirque familial et la machinerie de Dreamland oppose alors deux manières de concevoir l’art du cirque. Les artisans se retrouvent au cœur d’une véritable multinationale, dirigée par un exubérant chef d’entreprise (Michael Keaton), qui capitalise avec arrogance et cupidité sur ses spectacles et ses employés. La petite entreprise menace de se faire avaler par la grande…
Tim Burton s’est entouré de proches collaborateurs pour donner à son film de l’incarnation et du mouvement : Michael Keaton et Danny DeVito le retrouvent chacun pour la quatrième fois, et Eva Green, qui incarne merveilleusement une gracieuse acrobate, pour la troisième fois. Et bien sûr le fidèle compositeur Danny Elfman, qui insuffle du spectaculaire aux scènes de haute voltige. Il fleure ainsi un air familier à l’intérieur du gigantesque parc d’attraction. Les motifs burtoniens s’y déploient, de recoins gothiques en ambiances nocturnes, parvenant à contredire l’habituel glacis esthétique de Disney. Si l’on s’étonne du léger effacement des deux enfants, c’est parce que le véritable protagoniste est bien l’animal merveilleux, et la relation à la mère (les enfants sont orphelins de mère, Dumbo est arraché à la sienne au début du film) passe principalement par lui. Créateur de monstres devant l’éternel, Tim Burton s’attache en cela à la représentation de figures marginales et singulières, qui se distinguent par leurs défauts et finissent par briller de leur différence. (lire la suite : https://cultureauxtrousses.com/2019/03/28/dumbo/)