Guy de Maupassant s'est révélé être un excellent scénariste. Souvenez vous de "Chez Maupassant", ces contes et nouvelles, merveilleusement adaptés pour la télévision.
Maintenant, lorsqu'il s'agit non plus d'illustrer une brève et souvent pittoresque, même si cruelle, tranche de vie, mais une existence complète, surtout faite de deuils et de désillusions, c'est une autre affaire. On ne voit guère qu'un cinéaste japonais pour y arriver..... et bien justement, le réalisateur de Mademoiselle Chambon et de Quelques heures de printemps en est un!
Cela dit, même si j'ai apprécié le film, je lui ai trouvé bien des longueurs et des langueurs. Stéphane Brizé a choisi le pointillisme; son film n'est qu'une mosaïque d'instants, il y a peu de paroles, on est déconcerté par le passage répétitif d'un flashback, voire d'un flashforward (ça existe???). Au fond, ce n'est pas la longueur du film qui reflétera le mieux le temps qui passe.... Est ce bien nécessaire de consacrer cinq minutes au repiquage des salades par Jeanne et son cher papa? Oui et non. Oui, si on considère que jupes crottées et pieds boueux caractérisent bien ces nobles normands qui, tout barons qu'ils soient, restent quand même des culs terreux, vivant des fermages et intransportables dans l'univers élégant des métropoles...
Le film est illuminé par Judith Chemla, si jolie avec son physique un peu atypique, son beau profil crétois que Brizé filme avec délicatesse, qui passe de l'idéalisme de la jeune fille à l'amertume de la femme battue par la vie, même si on a du mal à la croire quinquagénaire... Un petit détail dans le registre génération: on a du mal à croire que Jean Pierre Darroussin et Yolande Moreau, excellents d'ailleurs, soient les parents de la jeune Jeanne. Ils sont largement entrés dans le terrain de jeu des papys, non?
Jeanne, tout juste sortie du couvent, a de bons parents. Parents et fille, ils s'adorent. Mais ils la poussent quand même dans les bras de Julien (Swann Arlaud), qui a l'air si bien sous tous les rapports... et qui se révélera très vite pingre, brutal, et surtout infidèle -au point d'engrosser la servante et soeur de lait de Jeanne, celle avec qui elle a partagé son enfance, Rosalie (Nina Meurisse), un de ces coeurs simples et fidèles que Maupassant aime tant! Et puis, la liaison avec l'élégante Gilberte de Fourville (Clotilde Hesme), que Jeanne prenait pour sa meilleure amie...
Il lui reste son fils, Paul (Finnegan Oldfield), sur qui elle a bien trop reporté d'amour et d'espoir. Oui, c'est une histoire terrible, douloureuse. Et qui, comme tout ce que raconte Maupassant, malgré (ou à cause?) de son enracinement dans un terroir, dans une époque, est universelle. Jeanne, ce sont toutes celles qui croient aux mots des hommes, ces coeurs purs qui se racornissent parce que la vie, c'est loin de l'idéal...
Brizé filme intensément la nature, chère à Maupassant, chère à ses héros. Comment ne pas aimer la terre? Il filme la côte ou les champs sous le soleil; ou sous la pluie normande, qui les transforme en glaise....
Je reste un peu sur la réserve.... mais de toutes façons, comme vous adorez Maupassant, vous irez le voir! Je suis sûre que le film va très bien marcher.