Après quatre films avec Vincent Lindon, dont le subtil Mademoiselle Chambon, mon préféré, Stéphane Brizé s’attaque, après Alexandre Astruc en 1957, à l’adaptation d’Une Vie, de Guy de Maupassant, un roman paru en 1883, et que Maupassant aurait mis six années à écrire, non sans mal avoua-t-il… Stéphane Brizé reconnait lui-même que la densité du roman aurait nécessité un film de dix heures, et pour garder un film de deux heures, son approche est forcément elliptique. Son film occulte la tante Lison, personnage haut en couleur qui vit un regret amoureux, il occulte la scène du mariage, et l’on se demande alors si la scène d’amour entre Jeanne et Julien est transgressive alors qu’elle est censée être la nuit de noce...le voyage de noce en Corse est sans doute évoqué par le changement des paysages, plus lumineux et sauvages que la côte normande...le meurtre des amants est essentiellement présenté en plans fixes, comme des photographies de scènes de crime, tellement furtivement que l’on se demande si c’est la réalité ou une image rêvée…car le film abuse un peu de ces retours en arrière de moments joyeux, comme pour souligner la désespérance du moment présent, et finalement ce qui reste est une succession de scènes atones, scènes de la vie courante, passant du jardin au salon, d’une saison à l’autre, filmé sans lumière artificielle, à la lueur d’une flambée dans la cheminée ou d’une bougie, où Jeanne qui est de tous les plans apparait comme éteinte, à la déception succède la trahison, puis la tragédie…il ne s’y montre et ne se dit finalement pas grand-chose et le temps file…un peu trop lisse. Judith Chemla est touchante, tout en fragilité et délicatesse, qu’elle joue la jeune femme de 20 ans ou la femme délaissée et ruinée de la cinquantaine…mais faute d’émotion, faute de souffle romanesque on a peine à partager de l’empathie pour cette femme amoureuse victime de l’égoïsme des hommes…et l’on a envie de se replonger dans l’œuvre de Maupassant !!!