Ayant connu Kheiron grâce à sa prestation hilarante dans l'excellente Bref, je ne m'attendais pas à voir un film aussi beau et touchant sur son histoire personnelle riche en aventures. La grande force de "Nous trois ou rien" est d'adopter un ton entre tragédie et comédie
(le contrôle routier tendu et le bébé qui fait caca dans la couche; la longue traversée périlleuse en montagne et les jambes qui ont pris le pli de la posture du cavalier; le combat déterminé de Hibat contre le régime iranien face au fait qu'il laisse sa femme le "commander"; la pseudo-mort du frangin; la pauvreté et la banlieue moche mais l'inévitable tapis culturel; le mariage dans un contexte difficile; les appels rassurants aux beaux-parents peut-être sur écoute)
et d'offrir un mélange humour-drame bien dosé
(le gag du "chat" et du "Shah"; La lutte finale chantée par le fils à l'école; la confusion "orgasme/organe"; la sensibilisation aux MST et la polygamie; les études d'avocat urgentes)
, un parti-pris déroutant mais pertinent car il faut bien comprendre que Kheiron narre la vie de ses parents comme ces derniers la lui ont racontée, c'est-à-dire avec du recul sur les événements et de la légèreté car l'issue a été positive. Structurellement, la première partie très politique est un peu poussive (et pas trop détaillée) et ça va ensuite un peu vite tant il y a à raconter, mais le contenu dégage une énergie positive sur l'humain
(la sourde, le politique, le running gag de l'avocat, les traditions iraniennes de fête et de musique)
, le vivre-ensemble
(le centre, la banlieue en mouvement, l'intégration)
et la lutte contre l'obscurantisme (éduquer tout le monde au savoir), sans tomber dans les clichés
(la question politique est complexe avec le maire, le centre ne fait pas l'unanimité et aurait pu fermer, le jeune qui tarde à adhérer au concept)
, même si l'environnement apparaît trop joyeux (ce qui se justifie par l'opposition avec l'Iran) à certains moments. Côté casting, Leila Bekhti est exceptionnelle en mère courage
(quand son enfant est perdu dans la manifestation)
, Kheiron est excellent
(ça doit pas être facile de jouer le rôle de son père)
et les rôles secondaires sont très bons, comme Gérard Darmon, Alexandre Astier
(qui symbolise aussi le ton dramédie du film, incarnant un Shah vulgarisé comme il a dû l'être par les parents de Kheiron quand ils ont évoqué le passé)
et Zabou Breitman. Au final, "Nous trois ou rien" est un film magnifique, très bien interprété, dans l'air du temps, habile sur son choix narratif et utilisant une intrigue traitée volontairement rapidement pour se concentrer sur l'humain.