Pour faire une analyse utile et pertinente du film, doit-on s’efforcer de faire abstraction de la polémique alimentée par les accusations à l’encontre du réalisateur ? Oui et non. Oui car, on doit toujours tenter de juger un film, pour ce qu’il est : une œuvre d’art. Et c’est en tant qu’œuvre d’art qu’on doit se demander si toutes les récompenses reçues sont justifiées. La réponse est aussi oui et non. Oui car, d'abord, l’intrigue est très bien ficelée, et même, en connaissant les grandes lignes de l’affaire, des éléments de suspense émergent et nous captivent. Oui aussi, parce que les acteurs sont tous, exceptionnels. Ils apportent une grande densité émotionnelle à l’ensemble. Ils donnent un son tout à fait juste aux répliques, et ils rendent parfaitement l’importance historique qu’à eu l’affaire. Mais, on peut aussi répondre non à cette question de savoir si l’abondance des récompenses est justifiée. En effet, de nombreux défauts ressortent dans ce film. Un énorme déséquilibre se remarque entre les 3 premiers quarts d’heure, et le reste du film. La progression de l’enquête de Picard est lente, avec des scènes excessivement étirées, ou avec d’autres, fourmillant de détails, pas toujours très éclairants. Puis, une fois que l’engrenage de l’enquête est bien enclenché, et que commencent les ennuis du nouvellement nommé Picard, l’action s’accélère, voire même, s’emballe. Et de trop nombreuses ellipses sont faites. Or, un étirement de certaines scènes, aurait été nécessaire pour une meilleure compréhension de certains faits, et une meilleure appréciation de l’importance de certains personnages, tels que Jaurès, par exemple. Ainsi les éléments qui ont amené la formation de ce « Front Pro-Dreyfusien » sont totalement escamotés, contrairement à ce que le titre nous donnait le droit d’attendre. Enfin, à la question de savoir si l’on pouvait totalement faire abstraction de la polémique autour de Polanski, la réponse est non, car, après tout, c’est Polanski lui-même qui a prêté le flanc à cette polémique. Lors d’interview, il s’est comparé, sans équivoque, à Dreyfus. Or l’accusé Polanski n’a rien d’un Dreyfus. Les femmes qui l’accusent avancent des témoignages qui ne ressemblent en rien à des preuves grossièrement fabriquées comme le furent celles du procès Dreyfus. Et ces femmes accusatrices, ado sans défense, à l’époque, ne ressemblent en rien à cette armée, des années 1890, archi influente, corrompue, et se croyant au dessus de tout soupçon. L’artiste, en faisant cela, déshonore tout simplement Dreyfus, celui à qui il était pourtant sensé rendre un hommage.