Il y a des petits films, souvent silencieux, prudents et humbles, qui valent bien des discours politiques, pompeux et grandiloquents. "D'une pierre deux coups" est de ceux-là. Certes, c'est une œuvre humble, qui ne cherche pas à faire du bruit, parfois maladroite dans la mise en scène, mais qui, à elle toute seule, résume toute la complexité du parcours migratoire, a fortiori des contradictions dans lesquelles les enfants nés de parents immigrés se retrouvent. Zayane, une femme de 75 ans, se suffit à elle-même dans son quartier dont elle n'a jamais dépassé le coiffeur, sinon qu'elle a bien besoin qu'on lui lise les lettres qu'elle reçoit. Justement, on lui a adressé un faire-part d'un décès qui la replonge dans son passé en Algérie, et surtout la contraint à organiser sa disparition provisoire au sein de sa grande famille. Le portrait de Zayane n'est pas tant réussi que la myriade d'enfants qui se réunissent dans son appartement en attendant le retour de leur mère. Ces enfants sont adultes, et ils disent toute la difficulté de se situer à la fois dans l'héritage familial et culturel qui est le leur, et les velléités sociales ou les freins que leur offre la société. Fejria Deliba est une réalisatrice qui promet pour le futur. Cette œuvre est réjouissante dans la mesure où elle donne la parole à une communauté maghrébine en évitant soigneusement le pathos ou le thriller social. La réalisatrice filme une famille comme toutes les autres, rongée par des secrets qui influent les rapports humains des enfants, tout en appuyant avec justesse les mots qui résistent pour ces parents immigrés à raconter ce qui les a conduits sur les terres françaises. En même temps, "D'une pierre deux coups" est un film joyeux, truculent, simple, qui fait du bien au cœur et à la raison. Bien sûr, ce n'est pas le chef d'œuvre de l'année, c'est en tous les cas un spectacle honnête, généreux, dont on aurait tord de se priver en ces temps de tensions sociales.