L'origine de cette idée de situer l'intrigue du film dans le milieu des diamantaires vient d'un producteur, Grégoire Debailly. Ce dernier avait lu un article dans Libération sur la recrudescence des braquages en Europe. Avec l’aide d’Olivier Séror, réalisateur, puis des scénaristes Vincent Poymiro et Agnès Feuvre, Arthur Harari est ensuite parti sur l’idée d’une variation autour du thème d’Hamlet, l’histoire d’un jeune homme qui veut venger son père en détruisant sa famille et qui, pour cela, entre dans un milieu qu’il ne connaît pas.
Comme cadre spatial du film, Arthur Harari et son équipe ont tout d'abord pensé à la ville de La Chaux-de-Fonds en Suisse, où se fabriquent des montres de luxe, et qui offrait un décor cinématographique et social assez étonnant. Finalement, ils ont jeté leur dévolu sur Anvers. Le metteur en scène nous en dit plus sur ce changement :
"Sur la base du premier synopsis, l’idée du quartier diamantaire d’Anvers, majoritairement juif, est arrivée. On s’est rendus compte que ce quartier n’avait jamais été le cadre d’un film de fiction, et j’ai eu la chance de rencontrer très tôt les bonnes personnes par le biais de deux amis, notamment la famille du plus grand tailleur de diamants vivant, Gabi Tolkowsky, sur laquelle celle des Ulmann est à moitié calquée. L’autre moitié vient d’un jeune négociant du milieu dont le père était un ouvrier du diamant communiste, connu comme le loup blanc dans ce quartier où ça ne courait pas vraiment les rues. Le milieu et la ville ont fait le reste, c’est un cadre romanesque et cinématographique génial."
Arthur Harari tenait à ce que son film soit indissociable d'un aspect documentaire. Le réalisateur raconte ainsi qu'il a pu avoir accès à l’un des ateliers de taille les plus prestigieux du monde. Sur place, il a pris des notes et a enregistré des témoignages. Harari note par ailleurs que l'un des rares films de casse où il a pu trouver ce côté réaliste est Le Solitaire de Michael Mann porté par James Caan.
Arthur Harari a eu la chance de pouvoir tourner dans un des derniers (sinon le dernier) ateliers du quartier diamantaire. Il se rappelle : "Nous avions un rapport direct avec les patrons du lieu, sans avoir à passer par les autorités du quartier, évidemment très tièdes vis-à-vis d’un tel tournage. Cette immersion a été précieuse pour obtenir ce réalisme concret dans lequel je souhaitais tremper le romanesque formel du film."
Avec son chef opérateur qui est aussi son frère, Tom Harari, Arthur Harari voulaient que l’image du film ait quelque chose de tranché, à la fois lyrique et incarné. Côté références, les deux hommes avaient en tête plusieurs films classiques américains notamment de Vincente Minnelli (Celui par qui le scandale arrive), Elia Kazan (La Fièvre dans le sang), John Cassavetes (Opening Night, Love Streams ou Meurtre d’un bookmaker chinois), Brian De Palma, Sergio Leone en passant par Paul Verhoeven et Rainer Werner Fassbinder.
Cette recherche d’un lyrisme qui fasse pénétrer le spectateur dans un monde romanesque est aussi passée par la musique. Arthur Harari voulait un thème obsédant tout en essayant de ne pas verser dans une orchestration opératique boursouflée. Il explique :
"J’avais une amorce de thème en tête depuis l’écriture du scénario, et je l’ai transmise (en la sifflant !) au compositeur Olivier Marguerit. Il l’a développée et a amené deux autres thèmes, et l’instrumentation qu’il a choisie, avec des choses qu’on n’entend plus si souvent comme la flûte, le violon ou la trompette, mais utilisés de manière presque dissonante, m’a enthousiasmé. Ça participe énormément à la dimension à la fois émotionnelle et mentale du film, mais aussi à son identité formelle."
Niels Schneider était à l'origine à l'opposé de ce que cherchait Arthur Harari pour le rôle de Pier. Il se souvient : "Pour le rôle principal, il y avait très peu d’acteurs français connus (c’est-à-dire : rassurants pour les partenaires financiers !) de 25/30 ans qui me semblaient convaincants, et potentiellement crédibles dans les différents milieux sociaux du film. Niels Schneider est une idée de ma collaboratrice au casting et à la direction d’acteurs, Cynthia Arra. Il était a priori à l’opposé de ce que je cherchais, mais une amie réalisatrice, Shanti Masud, m’a montré une séquence tournée avec lui où son intensité inquiétante m’a beaucoup surpris."
Arthur Harari a cherché à faire de Diamant noir un film noir, le réalisateur étant particulièrement passionné par le genre depuis qu'il a assisté à une rétrospective Warner Bros à Beaubourg, en 1990. Il développe :
"Ce que j’aime dans le film noir, c’est l’ambiguïté. Elle touche tout : l’intrigue, l’image, le jeu, les sentiments, le sens, la morale. C’est une autre métaphore qu’offre le diamant : comment la multiplicité des facettes compose une réalité à laquelle on ne peut pas assigner une définition simple. Quand on regarde un diamant taillé de près, c’est frappant : on ne sait pas comment le regarder ! Pour une pierre censée incarner la pureté et la clarté, c’est un paradoxe étrange… Concernant le film noir, si je poussais un peu plus, je dirais que l’ambiguïté va jusqu’au genre lui-même : dans son ADN, il y a une impureté qui le rend particulièrement susceptible de mutations et de fusions. Il y a des passerelles permanentes avec le mélodrame, le film d’amour, ou encore avec le western, le film politique ou social, et même la comédie..."
En compétion au Festival Premiers Plans d'Angers, Diamant Noir a remporté le Prix Spécial du Jury au Festival du film policier de Beaune et le Prix du Meilleur Film au Festival Valence Scénario.
Le film est dédié à Abdel Hafed Benotman, qui joue le rôle de Rachid (le gangster parisien pour lequel Pier Ulmann commet les vols), décédé le 20 février 2015 après le tournage. Il s'agit d'un auteur de romans policiers qui a passé une bonne partie de sa vie en prison pour avoir braqué des banques. L'écrivain est également connu pour son engagement idéologique, notamment contre le racisme et le système carcéral, et est aussi l'auteur de nouvelles, chansons, pièces de théâtre et scénarios de films.