Ça s’appelle Le Nouveau, il y a Max Boublil au casting, et c’est réalisé par un des acteurs de Les Aristos. Même si des retours surprennent positifs avaient laissé plané un doute sur la qualité du film de Rudi Rosenberg, sa promotion désastreuse lui avait définitivement donné l’étiquette de film pour gosses populaire sans saveur, probablement idiot et à ignorer. Le cinéma est fait d’injustices et on ne peut pas vraiment en vouloir aux cinéphiles avertis d’avoir regardé de haut ce qui restera comme l’une des plus incroyables surprises de l’année 2015 : mieux vaut tard que jamais, et il est temps de réparer ce tort.
On est chez Klapisch, mais en moins fantasmé ; on est aussi chez Kechiche, sans le propos social. Il y aussi beaucoup de Freaks and Geeks dans Le Nouveau, mais la série d’Apatow était tellement ancrée dans l’imaginaire américain qu’on pouvait difficilement y appliquer les références au milieu scolaire français. Ce qu’on pourrait trouver de plus proche au premier long-métrage de Rosenberg, ce serait peut-être Les Beaux Gosses – mais Sattouf avait cette saveur teen movie et ce côté très bande-dessinée qui n’est absolument pas présent dans Le Nouveau. Ici, les désillusions sont brutales. Les cris de douleurs sont étouffés. Le souci du détail mis à l’œuvre est absolument bluffant – cela va du vocabulaire utilisé, renversant d’authenticité, jusqu’au réalisme cru des situations, qui nous remémorent bien des épisodes passés.
Difficile de parler de « film ultime sur les années collège », la concurrence est en effet peu nombreuse, mais Le Nouveau en a tous les airs. Rien n’est épargné : des amourettes gênantes aux fiers moqueurs, de l’humour scabreux aux trahisons sentimentales banalisées. Le collège, c’est le far west, et Rosenberg en livre une peinture fascinante, stupéfiante de précision, juste et maline, qui ne fait l’éloge de personne et prend plutôt le temps d’humaniser tout le monde, parfois par de subtils coups de pinceaux.
Le récit tend probablement vers l’autobiographie, mais il n’en parvient pas moins à être universel et intemporel. Si le registre lexical ne vendait pas la mèche du début des années 2010, cette histoire aurait très bien pu se dérouler il y a trois décennies. La jungle reste la même, les lions et les gazelles ne changent pas.
Les souvenirs remontent, le malaise revient – Le Nouveau c’est l’arrière-plan de ces photos de classe qui ne parlent vraiment qu’à ceux qui sont dessus. Ce n’est ni social, ni nostalgique : Rosenberg traite des vapeurs troublées de la préadolescence, illustrant avec finesse la crise identitaire qui naît à la fin de l’école primaire. La fin de l’innocence, le début des emmerdes – la hiérarchie se construit et les connards la domineront pour toujours. Il n’y a rien de plus, et c’est tant mieux : le film n’en est que plus direct et franc, inondant de cette fraîcheur du passé ceux qui se remémorent avec honte leurs treize ans. Difficile de dire si les principaux concernés y verront une fausse comédie ou un drame intime, mais on ne peut que le recommander aux plus âgés : l’expérience a beau être troublante, elle est dévastatrice. Superbe.