C'est contrasté que l'on sort de la salle. "Un français" est un témoignage subtil de l'extrême droite française, des années 80 à nos jours sous le prisme d'une bande de skinheads.
L'histoire d'une rédemption ou d'une trahison (si vous avez des sympathies pour l'extrême-droite bien sûr !) selon le regard qui visionne le film. Car il a fait polémique ce film. Frilosité chez les distributeurs, avant-premières annulées, attaques haineuses sur les réseaux sociaux, tentatives d'intimidation... Ce film à l'énorme mérite de nous montrer que les braises du fascisme soufflent toujours et se ravivent à grande vitesse.
Il a fait polémique et pourtant il est le reflet exact de la réalité. C'est assez évident pour ceux qui ont connu les époques et les contextes.
Évacuons de suite l'aspect nostalgique pour les quadras. Les années 80 sont admirablement et très fidèlement reflétées. Toutes ces bandes qui s'affrontaient : les skins, les Red, les punks, les Ducky Boys. Les bombers, les Rangers, les posters sur les murs, les typographies, les troquets, les boîtes de nuit... Tout ça n'existe plus. Virginie Despentes le clame bien et avec justesse dans ses derniers livres et interviews.
Diasteme fournit donc un bon travail de reconstitution et de mémoire au moment où le Front National se polisse et où les extrémismes religieux et/ou politiques émergent de tout côté. Il raconte dans les interviews que c'est la "Manif pour tous" et l'assasInat de Clément Meric qui ont allumé en lui le désir de raconter cette histoire. Ce qui est dangereux en effet, c'est que l'extrémisme devient une valeur voire une vertu familiale transmissible dorénavant. En tous cas, ça ne présage rien de bon.
Pour en revenir au film, le casting est impeccable. Samuel Jouy et Paul Hamy sont deux seconds rôle habités et terriblement talentueux, L'acteur principal, Alban Lenoir est fabuleux, assure une présence massive qui crève l'écran. Ce mélange de violence intérieure, larvée, et de jeu tout en retrait est énorme. On saluera la performance.
Lenoir est LA vraie révélation du film. Une sorte de Vinz (La Haine) en négatif. D'ailleurs, on y trouvera pas mal de similitudes au fond. La misère et le désœuvrement, le sentiment d'abandon et d'impuissance, dans un cas comme dans l'autre, provoquent des personnalités confuses, violentes et désaxées et génèrent des situations inextricables.
La réalisation est maîtrisée, aboutie, et nerveuse. Les plans-séquences sont une merveille. Diadème fait preuve d'un grand talent de réalisateur chevronné.
Après on pourra reprocher au film son côté décousu, de scènes qui s'enchaînent sans liant, elliptiques, sautant les époques sans prévenir, ou en occultant des passages de l'histoire, même si le puzzle se met assez facilement en place ; on pourra reprocher le manque de prise de position du réalisateur. Il montre beaucoup, dénonce peu ou de manière distanciée. On est loin du brûlot "This is England".
Ce qui n'empêche pas le film d'être très fréquentable et d'avoir le mérite d'adresser un sujet peu traité et pourtant ô combien rémanent et d'actualité. Le tout avec talent.