Annoncé comme un film coup de poing, Un Français traite de thèmes rarement abordés dans le cinéma français actuel : les skinheads, les rassemblements d'extrême droite, le danger de la montée des extrémismes, tout un contexte propre aux années 80 qui semble plus que jamais d'actualité. L'idée de base est plus qu'intéressante, le pitch des plus prometteurs : la marchandise est-elle aussi bonne qu'attendue?
Oui et non. Si le film réussit à retranscrire une partie de l'atmosphère oppressante des groupuscules d'extrême-droite, il se perd facilement dans des travers et des lieux communs des plus lourdauds. Dès le départ, on observe un manichéisme trop poussé, une peinture de moeurs un poil trop grossière. C'est crédible, réaliste, cru; sur ce point, rien n'est à reprocher.
Le soucis vient surtout de cette volonté profonde de toujours vouloir nous en mettre plein la vue, de nous impressionner. Ainsi, Un Français tombe facilement dans l'excès, dans la surenchère : il veut dépeindre une société noire, mauvaise, pourrie par ses préjugés et ses amalgames, et tandis qu'il le fait déjà bien de base, vient en rajouter une couche comme pour être sûr que le spectateur comprenne bien qui sont les gentils des méchants, les extrémistes des modérés.
Sauf que de base, on le sait déjà : il est inutile de nous étaler des litres de confiture pour se rassurer sur sa capacité à bien faire les choses. Au mieux, c'est rébarbatif, au pire c'est insupportable. Le film manque donc de nuances, de réflexion profonde : il est intelligent, intéressant, mais pas suffisamment abouti pour être doté d'une vision moins manichéenne, moins bourrine.
Et c'est dommage, parce qu'on y tenait une évolution intéressante de ses personnages (au demeurant tous très bien interprétés, écrits et attachants), que l'on voit changer au fil d'une trentaine d'années. Certains virent de bord, d'autres s'enfoncent toujours plus dans la haine et le combat pour leurs idéaux; la dernière partie retranscrit parfaitement la conclusion de leur destin, qui varie du tout au tout selon les protagonistes.
Seulement, les nombreuses ellipses mal amenées viendront malmener cette écriture qui s'étend sur des générations, déjà quelque peu faiblarde de base; on s'y perd facilement, en même temps que les scénaristes. Les idées s'y bousculent parfois maladroitement, tandis que d'autres sont avortées, voire oubliées : le tout perd en solidité, alors que l'interprétation de son protagoniste, Alban Lenoir, ne cesse de gagner en charisme et en profondeur.
La mise en scène s'améliore toujours plus vers la fin, également; elle porte fièrement l'étendard des bons metteurs en scène français qui ont une patte, une personnalité en plus d'un penchant affirmé pour le réalisme certes cru, mais néanmoins réussi dans sa retranscription (tout du moins partiellement). Efficace, Diastème nous offre un travail soigné, pertinent bien qu'un poil dans l'excès. Ne lui en voulons pas : pour une fois qu'un film français récent traite de thèmes profonds, d'actualité et politiquement forts, acceptons le travail fourni sans trop le démonter, et profitons de ce qui pourrait être la première roue d'un carrosse menant droit vers un cinéma populaire intelligent. On croise les doigts.