La volonté d’une franchise, c’est celle de la voir d’épanouir le plus longtemps possible. On ne clame pas le reboot, mais l’ambition ne reste pas éloignée de cette démarche, cherchant ainsi à étendre un univers qui aurait pu se limiter au jeu du chat et à la souris, avec un honneur en jeu. La vision du studio est très lisible, contrairement au scénario qui part en vrille. Lorsque l’on observe les directions empruntées, le désir d’iconiser le chasseur sportif dans un terrain urbain a autrefois été de mauvais goût et le ressenti ne s’en écarte pas une fois encore. Shane Black tente tout de même l’impossible et se trouve entre plusieurs feux, ne pouvant satisfaire tous les partis qui réclame leur lot d’hommages et autres directives marketing, voire merchandising. Le mot blockbuster prend ainsi tout son sens. Ce film est bâti sur les spéculations de fans aguerris, notamment sur les motivations et la culture des Predators. Or, le résultat est confus et peu d’initiatives fonctionnent dans cet ensemble, anormalement bancal.
Le ressort comique de Black jure avec l’atmosphère du « Predator » de John McTiernan. Si ce dernier valorisait davantage la mise en scène pour un huis-clos psychologique, les producteurs semblent dorénavant vouloir brosser un portrait esthétique, très organique de leur créature. Mais la beauté du jeu n’est pas de la dévisager, il suffit de s’attarder sur des aspects subtils de sa culture du combat afin de rendre sa présence pesante et asphyxiante. Connaissant « Kiss Kiss, Bang Bang » et « The Nice Guys », on reconnaît que le style buddy-movie colle avec sa mise en scène givrée et décalée. Cependant, son script pêche là où on l’attendait très confiant, habile et solide. Et c’est dans le cœur du combat que des séquences peuvent impressionner, mais cela, associé à la violence type années 90, ne suffit pas à rattraper toutes les fractures qui se dessinent à vue d’œil.
Bien que de nombreux indices laissent clairement penser que l’œuvre assume son côté nostalgique et comique, il n’y a pas de place pour les deux et le ton invoque radicalement celui de l’action à outrance. Tout est amené à des affrontements qui ne fonctionnent plus une fois le contexte posé. On y trouve tellement d’idées qu’il aurait fallu un autre long-métrage afin de développer ce qui reste inabouti ou mal amené dans ce récit plein d’épines. Les Predators ne sont plus une menace crédible et on comprendra le désir de vulgariser le concept, tout en lui refusant un retour vers la mythologie d’origine. On dresse un nouveau décor et de nouveaux horizons qui paraissent bien lisses pour qu’on s’y attache émotionnellement. La pseudo-unité de commando, plus abrutissant que tout n’est pas en mesure de rivaliser avec le gabarit d’une bête hybride, mais voilà où se trouve toute la vérité dans cette production chaotique. À force de réécrire le scénario, de changer tel ou tel détail, le film finit par imploser de lui-même et les déchets débordent sans que l’on puisse y remédier.
Les bonnes questions ont été posées pour la mythologie des Yautja, predators originaux, tout comme sur le projet de « The Predator ». Mais Black, pourtant enraciné dans les piliers de McTiernan et sa créature, noie son film dans la plus grande facilité qui puisse exister, avec un enfant qui rime avec solution et un dénouement qui fait écho à une prévision météo qui annonce bien plus que de l’orage pour les suite à venir. Dorénavant, il ne faudra plus considérer la saga comme un produit culte, respectueux et créatif, mais plutôt comme un produit qui se vend, qui s’achète et qui se revend encore et encore.