Avis à ceux qui pensaient que S.Spielberg n’était plus dans le coup, l'avant-gardiste intrépide du cinéma fantastique aux effets spéciaux dernier-cri, à l’imaginaire foisonnant, celui qui a repoussé à chaque décennie, depuis les années 70, la barre novatrice toujours plus loin que les autres, mille fois copié, alternant blockbusters et films plus intimistes dont certains resteront dans la légende du Cinéma avec un grand « C »: méfiez-vous du taulier qu’on aurait pu croire hors-du-coup. Avec “Ready Player One“, il est loin d’avoir dit son dernier mot et montre ici, à 71 ans, qu’il est et reste le maître incontesté dans la SF. La filmographie « Spielbergienne » de la décennie 2010-2018 (7 films) n’avait pas encore le film ambitieux et avant-gardiste, comme avait pu l'être “Minority Report“ dans la décennie précédente (16 ans déjà, et un univers futuriste pourtant très parlant aujourd’hui): c’est maintenant chose faite, avérée et rectifiée.
“Ready Player One“ est visuellement hallucinant (les scènes de courses automobiles sont inédites et particulièrement prodigieuses) et jouissivement imaginatif, truffé de détails, baigné de « pop-culture » qui ravira les nostalgiques, et hyper-référencé par le cinéma du genre, dont S.Spielberg est lui même précurseur. Car on peut voir également dans ce film une forme d’auto-reconnaissance et d’auto-plaisir du réalisateur, un recul sur lui-même et sur les fondements de son mythe, tant le propos et la forme font écho au prestigieux et mirifique bonhomme ainsi qu' à son oeuvre. Mais que reste-t’il derrière tant d’éloges visuelles après la projection de “Ready Player One“?: finalement pas grand-chose. Car si on sent que S.Spielberg a lâché son dévolu sur son savoir-faire technique qui fera incontestablement date, et qui ravira les aficionados nostalgiques par ses multiples clins d’oeil, (j’en suis ravi), il est malheureux de constater que la forme est bien supérieure au maigre contenu du fond. Son scénario offre certes de nombreuses scènes épiques et rythmées, mais l’histoire en elle-même n’a qu’un intérêt limité, les geeks s’en raviront peut-être, moins les autres: nous avons connu le réalisateur beaucoup plus inspiré et profond, son récit n’est ici qu’un prétexte à jouer de références qu’il maîtrise et le caractérise, et auxquelles il prend un plaisir évident à mettre en scène. Le message n’est pas convaincant et limité dans une forme stérile et inoffensive, alors que le futur qui nous est décrit paraît particulièrement inquiétant. La motion-capture permet une immersion sans limite dans l’imaginaire foisonnant qui nous est décrit, mais atténue beaucoup l'émotion et la sensibilité dans la prestation des acteurs de synthèse, qui n’est malheureusement pas relevée par le manque de charisme des acteurs réels. Et il n’y a pas de bons films d’aventure sans bon(s) méchant(s), et ce film en propose un absolument pas convaincant. Alors, S.Spielberg: Game Over? Absolument pas. Il demeure le maître incontesté des images, du plein-la-vue et des mirettes émerveillées. Dommage que le masque virtuel qu’il nous impose en diffusant des images inédites et réjouissantes, est aussi un camouflage d'un vide scénaristique évident.