Anne Fontaine est une réalisatrice incontestablement douée (Les innocentes, Gemma Bovery: très bien). D'où vient alors que certaines de ses oeuvres laissent un arrière gout désagréable? Marvin, ou la belle éducation, est au final un film très déplaisant. Et comme la fin qui ne sait pas finir, traînasse et se prend les pieds dans le tapis est complètement ratée, on reste sur cette mauvaise impression.
Le film est librement adapté de "En finir avec Eddy Bellegueule", autobiographie d'Edouard Louis (pseudonyme) que d'aucuns avaient trouvé génial, et d'autres (plus rares il est vrai).... déplaisant. (Ici, le héros a été dénommé Marvin Bijou, patronyme aussi lourd à traîner qu'Eddy Bellegueule!). C'est la description d'une enfance dans un milieu rural de brutes, la honte de l'homosexualité puis son acceptation.
Tout ce qu'on retrouve dans le film où le petit Marvin (Jules Porier) est harcelé, humilié physiquement au collège -sans qu'on sache très bien pourquoi: parce qu'il s'appelle Bijou, parce qu'il est rouquin, parce qu'il est calme et sage, dans la mesure où il n'a aucun comportement qui semblerait "déviant"? Sa chance, c'est d'être repéré par la nouvelle principale, Madeleine Clément (Catherine Mouchet que l'on retrouve avec plaisir, elle se fait rare), qui va le pousser à partir au lycée plus loin, à Epinal, pour suivre une classe théâtre. Là, devenu ado (excellent Finnegan Oldfield), il va découvrir le monde de la culture, s'accepter en tant qu'homo, et devenir Martin Clément... En finir avec Marvin Bijou!!
Ce qui est insupportable, c'est la description de ce milieu de brutes rurales. La mère (Catherine Salée), gros ruminant qui se voudrait encore séduisante, et qui décrit son accouchement aux toilettes comme un agréable soulagement après une période de constipation. Mais zut! le produit ne voulait pas passer par le trou. Le père, Dany, pire encore, abruti aviné (plus exactement apastisicé, deux litres par jour) et homophobe, qui ne se déplace qu'en slip. Alors, il faut dire à Grégory Gatebois qu'il serait temps qu'il renonce à ce genre de rôles dans lequel il se laisse enfermer, et qu'on aimerait le retrouver.... ailleurs, même s'il n'a évidemment pas le physique d'Alain Delon. Et ça -ce mépris avec lequel on stigmatise les ruraux, voilà quelque chose que je ne supporte pas. Certes, on boit trop dans les campagnes. Mais madame Fontaine ne doit pas savoir que si on frappe à la porte de ces gens simples, leur modeste vie ne les empêche pas de porter un jean et de tenir un discours cohérent. Rien que cela rend le film haïssable.
Alors, les intellectuels homosexuels seraient ils mieux traités? Certes Abel, le directeur de troupe théâtrale qui l'engage (Vincent Macaigne, excellent aussi) est plutôt sympathique. Mais enfin, on décrit quand même le théâtre contemporain comme le royaume des homos verbieux, comme le lieu où on se roule à poil dans l'eau. Je n'ai jamais vu cela.... Par contre Roland (Charles Berling), le premier protecteur de Marvin est une caricature. Il drague en Jaguar décapotable, professe qu'il faut conduire trop vite, vit dans un appart avec vue sur la tour Eiffel, et jette ses gitons comme des kleenex. Dans un autre genre, la caricature est aussi révoltante que celle de Dany. Et que dire de la complaisance voyeuriste avec laquelle madame Fontaine filme Roland pénétrant par les voies arrières le jeune Marvin.... Que vient faire là dedans la pauvre Isabelle Huppert interprétant (sans conviction) son propre rôle...
Bref, l'oeil d'Anne Fontaine salit tout ce qu'il regarde et on en vient à conclure: à fuir!