Véritable phénomène lors de sa sortie américaine, "La La land" fait partie de ces films qu’on n’a pas forcément vu venir et dont on se demande comment il peut susciter un tel enthousiasme au vu de son pitch et, plus généralement, de sa nature même. Une comédie musicale rétro racontant l’histoire, déjà vu mille fois sur grand écran, des ambitions contrariées d’un musicien et d’une actrice à Los Angeles… il fallait vraiment être visionnaire (ou être tout simplement menteur) pour prétendre avoir anticiper le succès planétaire du film ! Mais, dès les premières minutes de ce "La la land" (un faux plan-séquence musical sur autoroute tout simplement ahurissant), on ne peut que comprendre et adhérer. Car on se trouve incontestablement devant un véritable petit bijou de charme, de fraicheur, de précision… et, surtout, devant un véritable objet cinématographique qui s’éloigne du carcan formaté auquel le public est beaucoup trop habitué pour lui proposer un spectacle à la fois innovant et abordable. On pourra toujours discuter sur le caractère véritablement innovant si on a en mémoire les grandes comédies musicales d’antan mais force est de reconnaitre qu’elles n’ont plus vraiment droit de citer aujourd’hui ! "La la land" leur rend, à ce titre, leurs lettres de noblesse en s’en inspirant sans, pour autant, être ringard. Car le film parvient à être résolument moderne malgré l’hommage appuyé à cet Hollywood, époque "âge d’or". En cela, "La la land" réussit parfaitement ce que le récent "Ave Cesar" des frères Coen n’a fait qu’effleurer. Cette réussite est due à de multiples facteurs. Tout d’abord, la mise en scène formidablement inspirée de Damien Chazelle, qui prouve son amour du cinéma en soignant ses plans et son rythme. On sent que le bonhomme ne veut pas se contenter de filmer et qu’il préfère proposer une séquence esthétique et travaillée plutôt qu’une scène lambda… quitte à dérouter le spectateur. On frôle, de ce fait, souvent la carte postale mais, une fois encore, il participe grandement au charme du film qui se doit d’appuyer ses effets plutôt que de s’inscrire dans un pseudo-réalité façon "frères Dardenne". Et puis, les numéros de danse proposés, les mouvements de caméra et la précision du geste ne pourront qu’enchanter les amoureux du 7e art. La mise en scène de Chazelle est, d’ailleurs, sublimée par l’extraordinaire BO signée Justin Hurwitz, petite pépite aussi élégante qu’enlevée d’où ressortent deux morceaux absolument fantastiques : l’entraînant "Another Day of Sun" et le magnifique "Mia & Sebastian theme". Cette musique participera, à n’en pas douter, à la postérité du film et devrait lui assurer une place de choix définitive au Panthéon des comédies musicales. Et puis, il y a le casting… On passera rapidement sur les seconds rôles (John Legend en musicien star, J.K. Simmons en furtif patron, Tom Everett Scott en époux tardif…) qui ne déméritent pas mais qui ne sont, clairement, pas le centre d’intérêt du réalisateur qui n’a d’yeux que pour son duo star. Et quel duo ! D’un côté, Ryan Gosling confirme qu’il est l’un des acteurs les plus inattendus de sa génération, qui parvient à transcender n’importe quel rôle par son charme naturel et son jeu terriblement physique. Et de l’autre, on retrouve l’éblouissante Emma Stone, au jeu toujours aussi irradiant et dont la prestation lui a valu un Oscar largement mérité. L’alchimie entre ces deux là (qui en sont, il est vrai, à leur troisième collaboration sur grand écran) fait des étincelles et aide grandement à sidentifier à leurs personnages. Le fait qu’ils fassent partie des jeunes acteurs les plus en vue du Hollywood de ces dernières années permet, du reste, au film de ne pas souffrir d’une image vieillotte (comédie musicale oblige) et a permis à "La la land" d’être instantanément hype. Que reprocher dès lors à ce film que je m’attendais tellement à critiquer ? Certains reprocheront, sans doute, le côté "american dream" où les rêves les plus fous se réalisent… mais ce défaut est inhérent au genre et n’est, à mes yeux, pas problématique dans le film
au vu du final proposé (point de happy end parfait ici)
. Non, définitivement, je ne vois rien qui puisse m’empêcher de reconnaître que "La la land" est une merveille de feel-good movie, doublé d’un grand film de cinéma. Immanquable… sauf à être totalement réfractaire au genre, bien sûr !