Nimbé de la nostalgie qui entoure la domination d'Hollywood sur le cinéma depuis ses débuts jusqu'à aujourd'hui, La La Land pourrait raconter la même histoire que beaucoup d'autres comédies musicales. C'est sans compter sur le méta-cinéma de Chazelle.
Il réalise un film de rêve, constamment rempli de l'espoir qu'on a de trouver quelqu'un qui compte, mais aussi de celui que les artistes entretiennent dans la Cité des Anges : percer un jour. Jusque là, c'est Broadway version côte ouest, avec ses décors iconiques, ses couchers de soleil romantiques et ses voitures qui démarrent en pente. Cependant il veut en montrer le prix aussi, et démontrer que l'art peut aussi bien rassembler des personnes que les séparer. Il veut rappeler que l'essence d'un rêve est de se dissoudre un jour, et qu'il faut apprendre à le laisser s'échapper un jour de notre cœur si on veut en garder une volute dans la réalité.
Le film ne se dévoue pas entièrement à la courbe habituelle du genre, qui fait aller d'une idylle spontanée à une autre plus mature en passant par une période où l'accablement l'emporte et où L.A. en profite pour grignoter un peu de l'âme de ses protégés. Le schéma y est, mais juste de quoi entretenir le souvenir d'autant d'autres films qui parlaient déjà d'eux-mêmes sous Fred Astaire ou Gene Kelly. C'est en respectant le schéma que La La Land conclut un hommage à toutes les stars qui se sont trouvées un jour à jouer leur propre calvaire d'avant-gloire.
Le reste, c'est une collaboration de toutes les disciplines d'Hollywood – cinéma, théâtre, danse, musique – pour slalomer de part et d'autre de la ligne entre le triomphe et les espoirs déçus. Le film émeut car il ne veut pas devenir une autre de ces œuvres qui rendent le succès si inaccessible et iconique. Il fait bien les choses pour le plaisir de les bien faire, tranchant finalement à contrecœur entre la vie sentimentale et la vie professionnelle. Mais cette dernière, ici, n'est pas synonyme du sort grisâtre et décevant d'un homme ou d'une femme qui sacrifie l'amour pour le succès : à L.A., vivre son rêve est forcément romantique, que ça consiste à tomber amoureux.se, à fonder un club de jazz ou à faire des films. C'est paradoxalement dans la séparation, la fin du couple, que La La Land devient le plus densément sentimental, supplantant le romantisme absolu à celui, conventionnel et hollywoodien, dans le souvenir duquel il puise.
Flamboyant de couleurs et émotionnellement déchaîné sans utopie, le film bouleverse sans extrême émotionnel. Fin ou commencement ? Peu importe, c'est L.A. : baissons le rideau. Demain matin l'amour aura déjà repris ses droits.