L'Attente : les secrets du tournage

L'Attente est le premier long-métrage de Piero Messina. Avant cela, le cinéaste italien fut auteur de quinze courts-métrages (dont Terra, sélectionné au 65ème festival de Cannes), réalisateur pour la télévision et assistant réalisateur de Paolo Sorrentino sur deux de ses longs-métrages, This Must Be The Place et La Grande Bellezza.

Quatre personnes (Giacomo Bendotti, Ilaria Macchia, Andrea Paolo Massara et donc Piero Messina) prirent quatre ans avant d'aboutir à la version finale du scénario de L'Attente. Le réalisateur amorça l'écriture à la fin de son école de cinéma et écrivit à chaque version une histoire différente. Il relut au bout du processus les différents jets et prit la décision de les réunir en une seule version finale.

Piero Messina a puisé une partie de l'inspiration de L'Attente dans un souvenir d'enfance. Il est né à Caltagirone, ville italienne localisée dans la province de Catane. Dans cette dernière est organisée à l'occasion de Pâques et de la Semaine Sainte des processions religieuses que le cinéaste se figure comme "quelque chose de réel pour chacune des personnes présentes". Il vit à cette occasion des centaines de personnes pleurer devant une statue religieuse. Selon ses termes, ce partage communal l'amena à inventer l'expérience vécue par Anna et Jeanne, qui voit naître entre elles "une entente muette", "comme si le partage intense d'une expérience (...) avait la force de générer une vérité différente".

Outre les souvenirs d'enfance, une autre mémoire servit d'inspiration à Piero Messina pour construire le récit d'Anna et de Jeanne. Un ami d'enfance lui raconta en effet l'histoire d'un père qui ne parla jamais de l'absence de son fils après sa mort, poussant son entourage à nier à son tour l'existence même du jeune homme. Une histoire mortifère qui captiva le cinéaste et le poussa à en tirer une fiction.

Les férus de théâtre l'auront peut-être remarqué, mais L'Attente se réfère à la tragédie en trois actes de Luigi Pirandello, La Vie que je t'ai donnée. Dans cette pièce, une femme voit ressurgir son fils, méconnaissable, après sept ans d'absence. Sa mort subite, peu après son retour, la plonge alors dans un douloureux déni. Selon Piero Messina, le rapprochement entre son film et l'oeuvre théâtrale fut pourtant suggéré au cinéaste tardivement dans l'écriture, alors que plusieurs jets scénaristiques étaient d'ores et déjà terminés.

Sur le tournage, Piero Messina trouva dans les répétitions filmées le meilleur moyen de construire avec Juliette Binoche une Anna en deuil. Il procéda donc à de nombreuses prises (entre 20 et 25 usuellement, jusqu'à 40 exceptionnellement), utilisant la plupart du temps les dernières prises, là où la fatigue fit naître une nouvelle vérité. En échange, Binoche appliqua sa devise d'actrice qui est de ne pas jouer mais d'être.