Quelle douce et cruelle ironie, pour le biopic sur l’un des plus gros lanceurs d’alerte de notre temps, de sortir de la salle le coeur brisé et l’esprit essoufflé par bon nombre de mauvaises caricatures et d’un scénario aseptisé, écrit à la hache et sous la torture. Oliver Stone (« JFK » ou « Platoon » pour les meilleurs, « Alexandre » et donc ce « Snowden » pour les pires) met en scène, en plus de l’ascension de Snowden à la CIA puis à la NSA, le couple que ce dernier compose avec la Divergente et l’actrice pro-adolescence Shailene Woodley. Lui et elle sont mignons, Stone se sert pour le premier rendez-vous de la passion de la photographie de cette dernière. Clichés en noir et blanc, tout est bien beau, joli, plutôt bien monté… L’ennui c’est que les clichés en question ont l’air de poursuivre les personnalités de la plupart des personnages, des collègues de bureau de Snowden à ses supérieurs qui lui servent d’instructeurs (Rhys Ifans qui en fait des tonnes, Nicolas Cage qui revient en forme). Tout est bien encadré, bien trop propre pour un film qui est censé laissé distiller des secrets insoupçonnables, et ce surtout la mise en scène toujours aussi désordonnée de Stone qui nous offre à nous, spectateurs, l’incroyable chance d’avoir du mal, arrivés à un certain moment de l’histoire, à suivre tous les cheminements et raccourcis de ce dernier, car on passe en plus sans cesse d’une histoire d’amour à la carrière de Snowden, merci à un scénario qui a l’air de passer du point A au point Z sans même une transition. « Snowden » est une oeuvre dramatiquement, désespérément, facilement oubliable (réciproquement à sa musique). Et ce même avec un Joseph Gordon-Levitt qui a l’air de se donner du mal dans son interprétation, et qui offre une composition intéressante (ça tombe bien, c'est la seule). Tournons la page, voire changeons carrément de livre, passons directement à une autre histoire, voire même retournons voir le très efficace « Citizenfour ». Tout sauf ça.