Oliver Stone réendosse sa veste de redresseur de tort, dénonciateur hollywoodien des affres de l’administration et de la politique de son bien-aimé pays, livrant un complément fictionnel au documentaire Citizen Four, celui-là même qui revenait sur l’épopée du lanceur d’alerte Edward Snowden. Après JFK, Nixon, un certain Georges W. et le World Trade Center, Stone en revient, une fois encore, à la controverse dite patriotique dans un brûlot à l’apparence d’un strict biopic, un film revenant sur le parcours de l’analyste susnommé, ayant jonglé entre les différentes agences gouvernementales, pour enfin dénoncer tout-à-fait publiquement et en connaissance de cause les méfaits d’une surveillance de masse forcément pas très bienveillante. Stone, dans sa fascination pour le lanceur d’alerte, convaincu que le sujet se suffit à lui-même, livre un film d’une certaine platitude, un long-métrage qui ne passionne jamais réellement, trace à grands coups de pinceaux effilé le parcours du bonhomme de ses débuts prometteurs à la Colline jusqu’à sa trahison médiatique.
Oui, Oliver Stone aime la controverse, aime dénoncer les dérives de la nation qu’il admire tant, la nation qu’il a lui-même servit en Indochine, mais il en oublierait, du même coup, qu’il film se doit d’être bien d’avantage qu’une simple prise de position. D’une prise de risque artistique qui frise le néant, d’une narration hachée qui ne satisfait que rarement, le cinéaste se contente de filmer un Joseph Gordon Levitt en perpétuelle crise de conscience alors qu’il démontre, tout du long, ses formidables capacités intellectuelles. Le bonhomme est un génie, le bonhomme possède la morale manquant à ses supérieurs, le bonhomme se sacrifie pour que le monde sache la vérité. Tout ça se veut typiquement hollywoodien et Oliver Stone ne fait rien pour que son film dépasse son cadre de simple brûlot académique, un film lisse, sans relief, qui empile les séquences de révélations et d’introspections. De la Virginie à Genève, de Tokyo à Hawaï, même combat, celui d’une grosse tête qui ne cautionne pas les agissements des agences qu’il sert. Bref, on connaît l’histoire et avec son film, Oliver Stone, ne nous présente rien d’autre.
Vous l’aurez compris, si Oliver Stone fût, en quelques occasions, un metteur en scène très inspiré, sa trilogie sur le Vietnam, JFK, tueurs nés, il fût souvent décevant, comme ici. Snowden rejoint donc Alexandre, le péplum navrant, Savages, le narco-thriller raté, W., le brûlot opportuniste, dans la liste des cafouillages du réalisateur. Même Joseph Gordon Levitt, d’ordinaire passablement habité par ses rôles, semble errer d’une scène à l’autre, remplissant son contrat et sans doute conscient du manque d’épaisseur de son personnage. Ne parlons même pas de Shailene Woodley, de Rhys Ifans, de Nicolas Cage, de Melissa Léo, de Zachary Quinto et de bien d’autres, tous en franche roue libre.
Snowden, en définitive, s’il pourrait ne pas être inintéressant pour les moins renseignés sur le sujet, pour ceux qui n’ont pas visionné Citizen Four, n’en reste pas moins un film d’une platitude crasse, un film sans volume qui revient, on ne peut le nier, d’une manière opportuniste sur l’acte héroïque d’un redresseur de tort. A ce titre, Stone s’intéresse exclusivement aux actes d’Edward Snowden lors de son ascension au sein de l’appareil gouvernemental et lors de la grande révélation. Le metteur en scène occulte toute la partie qui suit, soit l’exil, les demandes d’asile et j’en passe. Bref, une nouvelle déception de la part d’Oliver Stone, en ce qui me concerne. 07/20