Oliver Stone, l'homme qui réalisa "JFK" ou "W", s'attaque à un autre homme qui a marqué l'histoire mondiale : Edward Snowden. Mais cette fois-ci, il doit faire face à une histoire très complexe, dont les implications sont si profondes qu'elles sont difficiles à saisir sans s'y pencher de manière minutieuse.
Et c'est ce qu'il a fait : en étant contacté par l'avocat russe de Snowden, qui a écrit un livre sur lui, en s'adjoignant l'aide d'un scénariste talentueux et qui s'y connaît en informatique, en se basant sur un autre livre d'un journaliste, en épluchant les journaux, les enquêtes, mais surtout en rencontrant le principal intéressé en Russie.
Lorsque l'on regarde "Snowden", on comprend très vite que de nombreuses recherches ont été effectuées et qu'il y a eu une véritable réflexion sur le sujet. Car, contrairement à ce que l'on pourrait penser et à ce qui a pu être écrit par des critiques professionnelles, Oliver Stone ne se fait pas le porte-parole de Snowden. Lorsque les membres de la CIA et de la NSA s'expriment pour convaincre Snowden de l'utilité de la surveillance de masse, leurs arguments sont recevables et largement compréhensibles. Et seules vos valeurs déterminent si vous penchez plutôt du côté de Snowden qui rejette les écoutes au nom du droit au respect de la vie privée, ou du côté des membres de la CIA et de la NSA qui pensent que sans ces écoutes, il serait impossible de jouir de nos libertés fondamentales.
C'est la force du film d'Oliver Stone : montrer que, certes, Stone penche du côté du lanceur d'alerte, mais que tout n'est pas tout blanc ou tout noir et que le système d'écoutes peut se justifier dans le système de pensée sécuritaire. Il ne disqualifie donc pas les opposants à Snowden, ce qui aurait été une erreur.
En outre, cette affaire est éminemment complexe puisqu'elle implique des notions d'informatique, de sécurité, de droit international, de libertés fondamentales, de liberté de la presse, etc ... Pourtant, les deux scénaristes parviennent à rendre l'affaire limpide. Ils retracent l'histoire de Snowden, sa prise de conscience et les raisons qui expliquent en quoi ce système est gênant. J'avoue avoir toujours eu un peu de mal à comprendre ce qu'il pouvait y avoir de mal à surveiller les emails et comptes Facebook. Instinctivement, je savais que c'était une mauvaise chose mais je n'aurai pas su l'expliquer. Ce film nous donne des exemples concrets et l'on comprend alors les raisons de ce sentiment. J'ai enfin pu rationaliser ma position à ce sujet, grâce à la vulgarisation du film.
C'est donc un bien précieux que nous apporte là Oliver Stone et Kieran Fitzgerald.
En revanche, la forme laisse à désirer. La mise en scène est très conventionnelle, le film est plutôt bavard et la photographie est banale. Je dirai que le traitement est assez froid. Cela dit, Joseph Gordon-Levitt est là pour redonner un peu de chaleur humaine à l'oeuvre et sa performance est remarquable.
Bref, "Snowden" est une entrée intéressante dans cette affaire que je vais probablement approfondir avec le documentaire "Citizenfour".