Oliver Stone est tout le contraire d'un réalisateur au coeur de pierre, ses films ont tous été doté d'un émouvant rapport à la réalité et chacun de ses thèmes évoqués est emprunt d'une grande sensibilité: la guerre du Vietnam avec "Platoon" (1986) et "Né un 4 juillet" (1989) (inspirés d'expériences personelles et collectives réelles), le terrorisme et la menace quotidienne avec "Tueurs nés" (1994) et le sous-estimé "World Trade Center" (2004), ou encore de nombreux biopics tels que "JFK" (1990)", "The Doors" (1991), "Nixon" (1996) et "Alexandre" (2004) que je considère toujours avec nostalgie.
"Snowden", paru dans nos salles en novembre 2016, narre l'histoire réelle du cas Edward "Ed" Snowden, jeune informaticien s'étant engagé dans un rôle de lanceur d'alerte en juin 2013. Son talent d'informaticien lui sera un biais pour s'opposer à ce qu'il considère comme une importante menace sur la vie privée d'autrui: la surveillance de masse, ce qui lui vaudra d'être accusé d'espionnage de la part du gouvernement américain avant d'être démuni de sa nationalité américaine. Le film met en avant son parcours d'étudiant, jusqu'aux événements ayant suivi son exil en Russie afin d'échapper aux menaces pesant sur lui. Deux ans après le documentaire "Citizenfour" de Laura Poitras (2014) sur ce même sujet, Stone confirme avec ce film avoir un réel talent pour mettre en scène un événement réel. N'étant pas féru d'informatique et de scénario "historique" portant sur des thèmes aussi minutieux que celui-ci, je me suis pourtant directement épris du propos de ce film tant il est narré avec dynamisme et précisions. Effectivement, faire par exemple débuter le film par de simples séquences présentant le quotidien de notre personnage, historique et filmique, aide à rentrer dans le bain facilement puisque tel Ed Snowden, c'est par la suite que les moments de tension vont s'amplifier.
Joseph Gordon-Levitt se dévoile comme un Snowden passionant et touchant de sincérité, qui, avec sa compagne Lindsay (Shailene Woodley) dégage autant de complexité que d'humour dans ce scénario portant sur le thème des risques d'espionnage à travers les ordinateurs. L'humour inspire de manière réaliste cette vie quotidienne soumis à la surveillance par des monstres informatiques, ce contre quoi Snowden se bat: sa liberté se retrouve menacée ! Et c'est par exemple par le biais des scènes de dialogues aux touches humoristiques, mettant le doigt sur les opinions politiques conservatrices de l'informaticien, que nous nous interrogeons sur ce que cachent les menaces de l'informatique. Au fond, le film montre que, aussi bien dans la vie réelle qu'en informatique, notre identité est sans cesse menacée. Effectivement, dans son objectif d'assurer la sécurité pour tous, Snowden, par obligation, met le monde au courant du danger et se retrouve considéré comme un traître par sa patrie,
au point que celle-ci va le faire apatride, donc sa nationalité américaine lui est retirée.
Ceci est une sorte de plaidoirie contre un gouvernement jugé incapable d'accepter qu'une vérité soit connue au public, sous peine de se retrouver dans une situation embarrassante telle celle de Snowden. "Toute vérité n'est pas bonne à dire", cela n'a jamais été aussi vrai que dans ce film ! Ce film nous livre ainsi une belle problématique portant sur les véritables valeurs que porte un gouvernement, entre une vérité douloureuse et un secret apaisant, y a-t-il un juste milieu ? Le film penche davantage vers la première proposition mais les réponses peuvent être diverses selon les interprétations. Un excellent Oliver Stone qui mérite de figurer parmi ses plus grands films.