Brûlot incendiaire qui dénonce avec fermeté les agissements amoraux de surveillance et de voyeurisme, contraires à l'éthique, qu'exercent les supra-agences de la NSA et de la CIA envers la population américaine, voire mondiale, on pouvait avoir peur, de la part d'Oliver Stone, de se retrouver devant un film primaire, sans relief, très et trop direct, qui enfonce le clou sans s’embarrasser de détails comme on le connaît. Mais ici, malgré cet aspect très explicite et direct tout de même présent, Oliver Stone parvient à jouer sur plusieurs plans et livre un film avec plus de reliefs, plus d'affinités et plusieurs degrés d'intrigue, à chaque fois traités bien particulièrement. On pouvait craindre aussi un certain côté rébarbatif et ennuyeux vu le pitch de base, et craindre une certaine complexité liée au thème général. Il n'en est rien. Le réalisateur reste clair dans son propos sans trop rentrer dans des détails de geek informatique dans un langage trop jargonnant et parvient, en effet, à nous intéresser à la vie de ce jeune homme qui passe pourtant le plus clair de son temps derrière un écran d’ordinateur. Le pari était osé et il est remporté. Un véritable intérêt se crée et s'accroit au fur et à mesure du film pour cet homme exceptionnel qui se sent investi d'une mission primordiale. Ainsi, à travers le parcours incroyable de Ed Snowden, et la caméra, plutôt habile, d'Oliver Stone, on découvre les tréfonds des agences de renseignements américaines, leurs bas agissements, leurs secrets honteux et l'immoralité qui colle à leur peau, tout cela confondu dans un grand tissu de mensonges et de contre-vérités qui leur permettent de poursuivre leurs actions sans être inquiétés, car trop puissants et ultra-protégés. Le message est pourtant particulièrement inquiétant et cela concerne en effet l'intégralité de la population mondiale et nous interroge férocement sur notre droit à la vie privée, à nos libertés fondamentales et au danger extrême que représente la technologie et l'informatique dans notre monde. Le côté fonceur et ultra-explicite de Stone a pour mérite de nous happer violemment à cet état de fait et à nous interroger longuement sur la situation actuelle dans lequel le monde est en train d'évoluer. On n'oserait à peine sortir son portable à la fin de la séance tant le message reste imprégné dans les esprits suite à l'excellent générique de fin. En plus de cela, Stone, entre le film documentaire très sérieux et le thriller d'action parfaitement mené, n'oublie rien de son sujet, traite de toutes les questions que nous aurions pu éventuellement nous poser, et axe son film aussi - et c'est une très bonne chose - vers un aspect plus romancé (quoique) et intime de la vie privée de Snowden, grâce notamment à sa relation vécue avec sa fiancée Lindsay, interprétée par l'excellente Shailene Woodley. Cet aspect du film est celui qui donne le plus de relief à l'ensemble du long-métrage et nous donne à voir une véritable histoire qui permet à la fois de constater à quel point Snowden est devenu paranoïaque et méfiant, à quel point il se détache de plus en plus de ses liens privés, et à quel point cela permet aussi au rythme du film de se poser un peu plus et de s'évacuer - même si c'est un grand mot - de l'intrigue principale et de voir un autre pan de cette folle histoire. En bref, Oliver Stone parvient à nous captiver réellement et astucieusement (ligne narrative déconstruite) sur l'histoire dingue de ce petit génie de l'informatique qui a décidé de sacrifier le reste de sa vie au profit de la vérité sur le monde effrayant dans lequel nous vivons. On regrettera bien-sûr cette dénonciation à brûle-pourpoint qui manque de temps à autre de profondeur et de finesse, mais la vérité en manque elle aussi, et on notera enfin que la prestation de Joseph Gordon-Levitt est une des qualités principales de ce film tant son interprétation colle juste et parvient à nous concerner.