Il y'a, parfois, des oeuvres qui s'inscrivent dans le temps grâce à leur sensibilité qui touche la plus grande partie du public. "Mommy" fait partie de ce groupement. Un an plus tard est présenté à Cannes le dernier Nicloux, "Valley of Love", qui suscite moins d'engouement qu'un cinquième Dolan mais qui est aussi doué lorsqu'est joué la mélodie de la symbolique. Un couple déchiré, un désert inchangé et l'amour comme népenthès. Mais d'abord, l'incompréhension. À une Huppert presque indifférente face à une histoire d'amour perdue mais dont l'expression du visage change radicalement lorsqu'un échange spirituel avec un fils (lui aussi) perdu a lieu, se succède un Depardieu plaintif de la chaleur ambiante, désireux de la quitter sans casser pour autant une confiance mutuelle néfaste avec non pas seulement son ex-femme, mais aussi bien entretenue avec un fils jamais présent à l'écran, mais toujours bien là, quelque part dans nos esprits. Alors comment filmer ces deux monstres sacrés, à quelle échelle et sur quelle grandeur? Pourquoi ne pas constituer une troisième identité, avec comme support la caméra? Sous le soleil éclatant tente de survivre deux particules d'humanité qui n'ont pas été suffisamment présentes pour la reconstitution de leur chair et de leur sang, plus passionnées par leurs carrières, relations ou disputes que par leur progéniture. Alors s'établit un trajet aussi singulier que téméraire, aussi puissant que vivifiant. Au détour d'un monument naturel prend forme des discussions sur un passé envahissant ou un présent naissant. Peu à peu, de rencontre en rencontre, le couple de voyageurs commence à perdre haleine. Nicloux déploie tout son talent pour donner vie à un objet cinématographique de grande envergure, plaçant une relation au centre d'un dédale rocheux dédié à l'amour, à sa mort et à son art. Alors les deux fabuleux interprètes déclament, comme la meute qui hurle à la surface de la lune, et dévoilent leur faiblesse et leur attachement pour ce fils disparu. "Valley of Love" est un survival poignant et brillant, un cadeau de sensibilité unique à la justesse émotionnelle libérée et au ton proche du surnaturel, comme apprivoisé et ce en une dizaine de minutes. Le temps pour qu'Huppert traverse un grand trottoir de couleur blanche chrome, qu'elle puisse regarder à travers la fenêtre de sa chambre, qu'elle achète un plat de nouilles sautées, et qu'elle se rapproche d'un Depardieu, de sa voix et de ses gestes, de son attitude et de ses défaites. Le cinéma français se porte à merveille lorsqu'il s'éloigne du tableau commun de la comédie et se propage dans le véritable septième art. Magnifique.