La réaction des spectateurs après un film n'est jamais l'évidence, parfois injurieuse, ou alors surprenante, et même drôle... Mais si le travail du réalisateur est de mener les spectateurs sur le chemin émotionnel qu'il a bâti pour lui, la réception par le public est soumise à tellement de paramètres différents que le résultat n'est jamais garanti, sans pour autant vouloir dire que le film a échoué dans ses intentions.
Cependant, il y a des cas où, lorsque l'on est dans la salle et que les autres spectateurs s'installent, on peut commencer à spéculer sur la façon dont ils vont recevoir le film ; et parfois, il y a des cas où ça ne peut pas louper. Ainsi, installé dans mon fauteuil en train de lire comme à mon habitude avant que le film ne commence, je vois, j'entends surtout un groupe de jeunes personnes s'installer derrière moi. Ils étaient comme n'importe quel groupe de jeunes gens : un poil bruyant mais enthousiastes d'être ensemble. Ils riaient, plein de bonne humeur. Seulement, 1h16 après, lorsque la lumière s'est rallumée, dans le silence qui pesait dans la salle, une jeune femme du groupe en question a alors doucement demandé à ses camarades : "Vous saviez que ça allait être un truc comme ça ?! Moi je pensais que j'allais passer un bon moment devant un dessin-animé..."
Car oui, "Psiconautas" est bel et bien un film d'animation qui fait partie de la catégorie des "dessins-animés", par opposition aux films d'animation en images de synthèses ou en volume. Néanmoins, ce film est loin, mais alors très loin de ce que le public trop peu initié appel couramment un "dessin-animé" duquel il n'a malheureusement comme référence que la bonhomie des classiques Disney, ou plus rarement la poésie des studios Ghibli. Qu'on se le tienne pour dit, ce film est dur, comme le souligne d'ailleurs son interdiction en salle aux enfants de moins de 12 ans. C'est une œuvre à part, mais sa puissance et son atmosphère en font un film hors norme et une superbe expérience.
L'histoire est celle d'une île qui subit une catastrophe industrielle qui va dévaster le milieu. Les habitants survivant vont alors continuer à vivre tant bien que mal. Certains vont continuer une activité sans but, d'autres vont former des communautés d’extrémistes ; il y en a qui vont vouloir s'enfuir, et d'autres qui vont essayer d'arranger les choses.
Déjà l'histoire ne respire pas la joie, mais ce n'est rien à côté de ce qu'est son traitement.
Ce qu'on peut rapidement dire sur le film est qu'il est métaphorique. Il se veut une représentation de notre propre société dont les codes ont été plus ou moins détournés et stylisé ; comme la plupart des films d'animation d'ailleurs. Point d'êtres humains ici, place aux chiens, renards, lapins ou oiseaux ; mais là s'arrête la comparaison qui vous vient à l'esprit de penser à Disney et "Zootopie". Le film est sombre et sans concession. Il prend les problèmes de la société actuelle et décuple leur impact émotionnel en se basant sur des métaphores, visuelles ou non, qui entraîne le spectateur dans l'enfer quotidien des protagonistes.
Tout ce qui fait la société actuelle semble passé à la moulinette pessimiste du film, du conflit générationnel à l'économie, en passant par le malaise social, les drogues, les forces de l'ordre ou encore une certaine idée du racisme. La symbolique est omniprésente et il est difficile de tout voir, mais visuellement, rien ne semble avoir été fait au hasard. Les métaphores marchent bien, mais elles sont peut-être trop simplistes et évidentes. Le spectateur se prend un discours trop direct qu'il digère plus qu'il n'interprète, qui ne le fait pas assez réfléchir et au final ne l'implique pas assez.
L'autre gros problème est le rythme. Le film est clairement trop court et ne laisse pas le temps aux situations de se développer. Idem pour les personnages et je pense que c'était une erreur d'en faire un film chorale, car même si les personnages sont bien travaillé et sont bons, le spectateur n'a pas le temps de s'attacher à eux et donc l'empathie envers eux n'est pas au mieux. Même situation pour les problèmes que le film dénonce. La durée du film ne permet pas au spectateur de ressentir ces problèmes de manière émotionnelle et donc son ressenti face aux événements est moindre.
Malgré tout, ce film est dur ! Il transpire le pessimisme et est à la fois sombre et sanglant. Il semble qu'il n'y ai pas vraiment trace du moindre optimisme là-dedans ; ors, pour s’investir autant intellectuellement qu'émotionnellement, l'être humain a besoin d'optimisme, de bien, de la catharsis. Cependant, quand on y réfléchit a plusieurs fois, il y a une once d'optimisme dans ce film, mais sous la forme d'un symbole qui ne saute pas aux yeux et donne sons sens au film : lorsque tout va mal, il faut prendre du recul, retourner à nos racines et la solution arrive.
Visuellement, le graphisme de ce film est comme son intention : simple et sans chichis. Le dessin est sobre sans être simpliste et vide, la palette de couleur est volontairement orientée vers le noir et le rouge ce qui sert bien l'histoire, et l'animation est de bonne facture.
La mise en scène réussit la prouesse d'avoir fait un film chorale de cette durée tout en gardant une narration fluide, mais le rythme est assez inégal tout au long du film et certaines séquences semblent quelque peu hors propos, comme la présentation du jeune cochon chez lui ou la rétrospective du passif des deux personnages principaux qui est trop expéditive.
Au final, « Psiconautas » est un film difficile à appréhender, qui ressemble beaucoup à une œuvre étudiante avec toute la vigueur et toute la frontalité du discours. Malheureusement, le ressenti du spectateur en pâtie quelque peu, et la trop courte durée oblige à un rythme narratif trop élevé qui renforce la sensation de non-implication chez le spectateur.
Ça reste cependant un très bon film dont le ton, le visuel et le discours méritent amplement de tenter plus qu'un coup d'œil.