(...) A force de trop respecter un genre on peut flirter avec les stéréotypes, Saulnier lui préfère détourner les codes et appliquer une mise en scène coup de poing. Par exemple là où un plan classique viendrait conclure une séquence, lui préfère monter son film autrement, quitte à éclipser un plan conventionnel qu’on attendait forcément. Le travail sur le hors-champ est impressionnant, tant au niveau du son que de l’image, et cette marque de fabrique le réalisateur l’applique à l’ensemble de son film. Dans les mouvements de ses personnages, dans la logique (si il y en a une) des avancées de l’intrigue, Saulnier démonte et remonte tout, c’est malin, plutôt bien vu et donne à son film une réelle identité. Mêler à tout ça, un univers poisseux, une ambiance punk néo-nazi installe définitivement son film dans la cours des réalisateurs confirmés, voire des grands. Encore plus malin, le gore tutoie ici la part humaine des deux camps, et de manière habile porte un regard critique et habile sur la légion de personnage qu’il filme. Patrick Stewart en chef de file, leader de cette « famille », s’avère indéniablement comme un acteur magnétique et la direction d’acteur de Jérémy Saulnier vient suppléer tout ça sur l’ensemble d’un casting où personne ne tombe dans la facilité des clichés de personnages ordinaires jetés dans des situations extraordinaires (une habitude chez le réalisateur). La maîtrise de l’espace et des lieux filmés est également à mettre au tableau de la réussite de Saulnier quand ce dernier parvient par d’astucieux allers et retours dans les différents lieux, intérieurs et extérieurs, à mettre tout la malice à l’élaboration de son histoire qui d’un rien verse dans la folie douce.
Le film est dur, sans détour, rugueux et sale. Sa violence graphique n’est alors pas déversée comme un torrent gratuit de gore sans calcul mais parsemée de manière habile à chaque instant important du film lui apportant un réalisme certain. Le cocktail nécessaire à l’explosion de son histoire qui convoque les survival crasseux des années 70, ou comment se réapproprier un cinéma et s’inscrire de manière personnelle dans ce dernier.
A une époque où le cinéma indépendant peine à garder le cap dans une industrie où l’ogre financier gangrène souvent les studios, des réalisateurs comme Jérémy Saulnier fait figure de résistant. Voire de metteur en scène à suivre aveuglément, pour autant il faut apprécier le genre, qui pour le coup, prend un sacré coup de jeune ici.