Premier long métrage de la réalisatrice belge Vania Leturcq, L’Année prochaine raconte une histoire d’amitié féminine comme il y en a tant, mais dont on sous estime souvent la valeur et les conséquences.
Clotilde et Aude, grandes amies depuis l’enfance, viennent d’avoir 18 ans et s’apprêtent à passer le Bac. Aude est une fille vivante, légère et amusée, très attirée par les garçons et les fêtes nocturnes. Clotilde est plus réservée, agaçée même par les habitudes des jeunes de son âge, et n’attend qu’une chose, avoir son Bac pour partir étudier la philosophie à Paris. Ce rêve est lié à un traumatisme d’enfant, car la jeune fille a perdu sa mère lorsqu’elle était enfant. Partir à Paris pour vivre dans l’appartement qu’elle qu’occupait semble être un moyen de se rapprocher d’elle, et d’échapper à la vie trop tranquille de la province. Pour ne pas avoir à se séparer de son amie, elle envoit un dossier pour Aude à une prépa aux Beaux Arts. Les deux amies partent donc ensemble découvrir la vie parisienne, et se heurtent aux limites de leur amitié.
La mise en scène du film reste simple, mais efficace. Il nous livre des bribes d’une histoire d’amitié très forte, menacée les aléas de la vie. Le film retranscrit avec intelligence et réalisme la brutalité qui peut naître dans une amité, et la difficiluté qu’il y a à abandonner les idéaux innoncents qu’on avait dans l’enfance. Clotilde se raccroche à Aude comme à la mère qu’elle a perdu, si effrayée à l’idée de la perdre qu’elle devient manipulatrice et méchante. Aude, quant à elle, accepte de répondre aux demandes de son amie car elle compte beaucoup pour elle et entend son désarroi. Néanmoins, on sent que leur relation n’est pas saine car installée sur un manque et des angoisses de la part de Clotilde, qui va jusqu’à pousser son amie à entreprendre un parcours qui n’est pas forcement celui qui lui correspond. Aude n’est pas dans ce besoin de fusion avec son amie. Elle veut construire quelque chose avec un garçon (Kévin Azaïs *.*), faire une rencontre amoureuse, et non se contenter de l’amitié qu’elle partage avec Clotilde. Le film montre bien comment une amitié est proche d’une relation amoureuse, pouvant entrainer les même problèmes (jalousie, possession, manipulation, angoisse et compétition). Ces amitiés, que beaucoup de filles partagent durant leur adolescence, semblent servir de transition émotionnelle entre l’amour parental qu’on reçoit enfant, et l’amour qu’on partage plus tard, adulte. Et le film montre bien cette transition difficile de la fin de l’adolescence à l’âge adulte, une période peu représenter au cinéma (même si ça se développe ces derniers temps avec D’amour et d’eau fraiche de Isabelle Czajka par exemple).
Cette histoire offre également un portrait de la vie étudiante parisienne. Certains qualifieront ce portrait de superficiel et cliché, mais je trouve qu’il est juste et met en avant la difficulté de s’intégrer intellectuellement à la vie parisienne. Ce milieu, très convoité et glamourisé par le cinéma reste élitiste et cruel envers ceux qui ne connaissent pas ses codes. C’est le cas de Aude.
Un bon film donc, dans une simplicité qui ne fait pas défaut à son discours. La réalisatrice a su capter la grande ambiguité qui caractérise les amitiés aussi fusionnelles que celle que partagent Aude et Clotilde, et le temps de l’abandon des idéaux d’enfants.