Voilà donc une histoire d'amour qui s'annonce plutôt difficile. Pour son sixième long métrage, la réalisatrice Julie Delpy analyse le devenir d’un classique duo de comédie, le plouc et la branchée, vacillant sous la pression d’un environnement des plus habituels. Entrant de plain-pied dans le registre de la comédie, l’actrice-réalisatrice attaque son film sur les chapeaux de roues, entremêlant dialogues cinglants et situations désopilantes, bien aidée par les répliques percutantes assénées par Karin Viard, Dany Boon ou Vincent Lacoste. Cette entame de film fait passer d’excellents instants au spectateur entraîné sur les voies délirantes d’un récit à l’humour libertin très cru. Puis, de retour à Paris où Jean-René suit la pétillante Violette, nous nous lassons très vite des manipulations pleines de méchanceté d’un nouveau Tanguy, encore plus pervers que son modèle. L’aspect diabolique du chérubin transforme la comédie en une vendetta grotesque, agitée et peu convaincante, farcie d’épisodes visuels souvent sordides. La troisième partie du film, épatante mais violente, vire tant soit peu au cauchemar tant le fi-fils à sa maman se transforme en un psychopathe un peu trop exclusif. Il devient un enfant-monstre échappé du Village des Damnés. Il effraie, il est le Mal. On pourrait trouver à l’apparence fantastique de cette mise en scène un rapprochement avec une expression issue des frères Larrieu ou de Woody Allen.
Dans cette œuvre, la réalisatrice caricature chaque trait de caractère sans jamais pour autant basculer dans le cliché. Elle ne mâche pas ses mots, ni ses images, porte un regard acerbe sur le snobisme afférent à une couche sociale française, celle des noctambules fêtards noyant leur paresse dans l’alcool et la drogue. Ces fats du spectacle, de la mode et de l’art qui, tels des ploutocrates, imposent une tyrannie de la mode, une dictature de la pensée, camouflant leur inculture derrière une rhétorique bardée de mots détournés et convenus, dissimulant leur manque d’idées avec des concepts stupides, cachant le vide sidéral de l’art dit moderne par des explications frisant le délirium "très épais". Bref, on croirait revivre le film Ridicule, lorsque ce hobereau de province déambule dans les salons de la Cour. Ici, le seul productif efficace est ce provincial qui va se faire dévorer par cette hydre parisienne, cette Médée inassouvie. De même, Julie Delpy, en brossant un tableau très noir, comique mais grinçant, de la famille dé-recomposée, en offrant une exceptionnelle dimension comique au complexe d’Œdipe, démontre que ces parents qui confondent amour filial avec narcissisme compulsionnel et possessif, génèrent des "enfants-rois" qui engendrent d’épouvantables difficultés à leurs géniteurs, allant jusqu’à, sciemment, les empêcher de refaire leur vie.
On pourra toujours gloser à propos de ce film qui, s’il pose de vraies questions, offre peu de véritables pistes pour les solutionner.