Ce film multi-nominé aux Oscars ne pouvait pas être oscarisé, car il n’y a pas la bonne case à Oscars City (pas plus qu’à Cannes). « Lion », donc, de l’australien Garth Davis. On ne comprend le titre qu’à la dernière seconde du film, et ce n’est pas l’histoire d’un lion. C’est l’histoire d’un chaton, avec une adorable tête de chaton et d’immenses yeux noirs, un chaton tiré d’un manga, un chaton qui se perd, qui se perd vraiment. Rien que ça remue déjà les organes de ceux qui sont sensibles aux animaux et aux petits d’animaux. Mais on ne sait pas ce qui se passe dans la tête d’un chaton, tandis qu’on sait à peu près ce qui se passe dans la tête d’un gosse, surtout quand c’est rapporté par l’adulte qu’il devient. C’est donc ce qu’il se passe à partir du moment où le chaton adulte croise sur son chemin un jalebi, qui sera sa « madeleine de Proust », une pâtisserie que son frère lui avait promise juste avant qu’il ne se perde. Entre temps, 20 ans ont passé, le chaton a survécu à divers maux, il a été adopté et bien élevé, aux antipodes de sa planète d’origine, où on le retrouve donc, grand chaton, devenu Dev Patel. Le chaton est adorable et sa fragilité émeut, surtout quand elle se frotte au mal. L’adulte nous prend tout autant aux tripes et à l’âme, et l’on sort du film avec des douleurs dans la tête et dans l’estomac. Quand on se dit alors que c’est une histoire vraie, on en sort aussi avec des sentiments mitigés envers l’Inde, le pays qui a bien du mal à gérer son milliard d’âmes, mais ces sentiments s’estompent devant l’émotion majeure que le film provoque, en particulier par Dev Patel, quasiment christique après la rencontre du jalebi, et surtout par ce petit acteur chaton dans la fureur du monde. Evidemment, il faut être atteint par la maladie de l’empathie pour ressentir cela. Ce film gagnerait l’Oscar de l’émotion si la catégorie existait. Nicole Kidman, entre parenthèse, explique bien ce choix délibéré de l’adoption que font nombre de gens sensés, de ne pas faire d’enfants dans ce monde surpeuplés d’enfants perdus.