Mountains may depart – Un cinéaste entre deux chaises – ♥♥♥
Chine, fin 1999. Tao,est courtisée par ses deux amis d’enfance, Zang, propriétaire d’une station-service, et Lianzi, qui travaille dans une mine de charbon. Tao va devoir faire un choix qui scellera le reste de sa vie et de celle de son futur fils, sur un quart de siècle, entre une Chine en profonde mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure.
Dès les premières scènes, on retrouve les mêmes thèmes que dans son dernier film, A touch of sin : la collision frontale entre tradition et modernité, la paupérisation ouvrière, l’avènement brutal de l’économie de marché et l’enrichissement obscène des capitalistes sans foi ni loi. Mais cela sera ici vu par l’angle d’un triangle amoureux entre Tao (jeune fille plein de vie), Zang (capitaliste en devenir) et Lianzi (le mineur).
La première partie de son film est parfaitement maîtrisée, Jia Zhang-Ke joue en terrain connu et il excelle à filmer la transition économique et ses effets dans sa ville de naissance (Fenyang). Les mines, les quartiers ouvriers, les fêtes traditionnelles, les défilés ou les marges industrielles, tout prend sens sous la caméra du maître, qui arrive même à distiller des moments d’humour particulièrement piquants en ces temps-ci, comme après un accident de voiture, quand le propriétaire du véhicule, frimeur, rassure ses amis en leur lançant d’un air assuré: « Tout va bien ! On peut faire confiance à la technologie allemande! ».
Changement d’époque, changement de lieu et dissémination de l’identité
Puis de 1989, on passe à 2014, où l’on suivra la génération suivante, en Australie. On voit bien ce que le cinéaste veut traiter avec insistance: le déracinement, la perte de repères, la quête des origines, la rupture familiale. Tous sont des thèmes très lourds et qui mériteraient d’être développés. Mais on sent Jia Zhangke un peu empêtré dans une Australie qu’il ne connaît pas et dont il ne dit rien et dans un futur un peu hésitant et tragiquement nostalgique…
Certes des scènes sont très tendues et réussies et encore une fois, drôles, comme la discussion père-fils sur la liberté, mais la transition entre les deux parties est trop abruptes et l’on a du mal à les lier et sur la forme et sur le fond et l’on regrette, nous aussi, les villes chinoises qu’il dépeint si originalement.