Malgré qu’on le classerait volontiers dans le top 50 des films d’art martiaux, Kundo, quatrième film du réalisateur sud-coréen Jong-bin Yoon, malgré de grandes qualités n’aura pas la chance de sortir dans les salles française. Le circuit de distribution des films en provenance d’Asie est dramatiquement faible et grand nombre de chef d’œuvre n’atteignent jamais nos frontières. Grâce à Metropolitan Films (que vous pouvez retrouvez sur Facebook), les amateurs de chorégraphie enlevées, d’humour et de films historiques engagés vont pouvoir découvrir un véritable bijou cinématographique venu du pays du matin frais qui sortira le 2 juillet 2015 en DVD.
En 1862, la Corée est sujette à la famine. Pour se prémunir de celle-ci, la noblesse augmente les impôts et les confiscation de blés. Un groupe de révoltés, que le pouvoir désigne volontiers comme des brigands, mène des raids contre les fonctionnaires corrompus et redistribue le riz confisqué sous l’autorité de son chef Dae-ho (Lee Sung-min). L’arrivée d’un nouveau gouverneur particulièrement cruel, Jo Yoon (Kang Dong-won) va compliquer leur tâche jusqu’à ce qu’un ancien boucher Dolmuchi (Ha Jung-woo) rejoigne la bande et porter par sa haine fasse une affaire personnel de faire cesser Jo Yoon.
Débutant par une chevauché épique, portée par une musique léonnienne, Kundo laisse émaner l’esprit du western italien. De nombreux plan rappellent également Les septs samouraïs d’Akira Kurosawa, Jong-bin Yoon inversant les rôles. Ici, ce sont les militaires qui représentent le danger et le peuple se défend lui-même. Le cinéma hongkongais, avec son humour si typique, au cœur même des combats, n’est pas si loin non plus. Ce cocktail détonnant d’humour bravache, de combats à la chorégraphie impressionnante et d’enjeux épiques nous transporte du rire aux larmes en passant par l’admiration béate. On ne peut que rire de bon cœur avec la joyeuse bande de trublions qui composent la bande de bandits. On a l’agréable impression que l’on aurait réuni dans le même film Jackie Chan (avant sa décevante période hollywoodienne inauguré par le nullissime Rush Hour), Terence Hill, Bud Spencer et Mark Chao (la relève révélé dans Detective Dee II) dans un délire tarantinien. Dans les bonus du DVD, un spectateur sortant de l’avant-première coréenne confie qu’il a pensé à Kill Bill. De l’autre côté, Jo Yoon n’a aucun caractère comique, représentant une société aristocratique rigide mais laisse entrevoir quelque fêlure participant à l’aspect dramatique de l’intrigue.
Parés de ses atours divertissants, passionnant de bout en bout, à couper le souffle, le film de Jong-bin Yoon se paie en plus le luxe de célébrer la révolte, de cultiver l’indignation et tout cela dans la liesse. Découpé en cinq chapitres, Kundo possède des interludes explicatives qui sont sans ambiguïtés. La narratrice y explique comment les puissants organisent la rareté des matières premières, la cherté des prix et comment ils spolient finalement le prolétariat des terres qui lui permettent de vivre. Ce que propose les bandits, c’est une authentique réforme agraire. Ce que dénonce Kundo, c’est la financiarisation et la marchandisation des corps et des âmes, la mise en esclavage par l’usage de la dette. Ce qui était valable dans la Corée de l’ère Choson existe toujours et les mêmes stratagèmes sont utilisés. Rappelez-vous les expropriations de masse après l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis en 2006. Les banques se sont alors servis sur la misère comme le faisait les fonctionnaires corrompus coréens. Il est également longuement développé un aspect non négligeable du maintien de ce système, la criminalisation des opposants politiques. « Désunis nous sommes des brigands, unis nous sommes le peuple ». Voilà la pierre angulaire de Kundo.
Véritablement enthousiasmant, Kundo concentre tout ce qui fait le sel du cinéma. Jong-bin Yoon livre une œuvre de premier plan, véritablement populaire, liant discours social et divertissement. Avec un budget relativement modeste et sans recours à trop d’effets spéciaux, le metteur en scène a privilégié des décors réels et des combats travaillés donnant un cachet inestimable à Kundo, comme on peut le constater dans les scènes de tournage des bonus. On est loin des yes man d’Hollywood et de leur films insipides. Au cœur même de l’artisanat, nous sommes ici en présence d’un amoureux du septième art qui tout en rendant de nombreux hommages a créée une œuvre majeure et singulière.
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