American Honey : a Star is born ?
Road movie américain sorti le 8 février 2017 (durée : 2h43) réalisé par Andrea Arnold
Avec Sasha Lane et Shia LaBeouf
Prix du Jury du dernier festival de Cannes, American Honey nous emmène explorer une Amérique aussi scintillante que crasseuse. Road trip empreint de poésie, Andrea Arnold laisse s’exprimer ses protagonistes avec grâce et liberté, loin des strass et paillettes de La La Land.
Des personnages attachants
Fort d’un casting sauvage très réussi et consacrant onze acteurs novices sur les quinze membres de cette joyeuse troupe, American Honey retrace le périple de Star (premier rôle d’une Sasha Lane qui crève l’écran) sillonnant les routes américaines pour fuir sa piètre condition en vendant des magazines peu convaincants. Mais elle peut heureusement compter sur un Shia LaBeouf très juste dans la peau de Jake, à la fois tête brûlée, sensible aux charmes de la nouvelle mais aussi sous le joug de la patronne Krystal.
La fraîcheur des moments en groupe ou plus intimes vient récompenser la part belle laissée à l’improvisation. Les vannes fusent, l’énergie ne faiblit pas malgré la longueur du film, dans une succession de scènes cohérentes et non répétitives. L’héroïne se cherche avec force et fragilité, passe par différentes routes et divers sentiments. Elle avance, recule, piétine, court, hésite…
L’Amérique entre crasse et grâce
Filmé en 4/3 et la quasi-totalité du temps en lumière naturelle, American Honey propose une magnifique photographie. On prend plaisir à s’installer dans le van au milieu de ces laissés pour compte et à arpenter un mid west à la fois sauvage et habité par une faune pas toujours recommandable.
Durant les 2 heures 43 (rassurez-vous : le temps passe très vite !), nous ferons de nombreuses rencontres dans cette Amérique où une jeune chrétienne prie Dieu alors qu’elle semble contrôlée par le Diable, où les vieux cowboys charment les midinettes à coup d’alcool, de ver et de viande grillée, où ceux qui récupèrent le pétrole achètent leurs bas fantasmes avec quelques billets. Une Amérique où l’on se prend pour Spiderman même dans une benne à ordures, où l’on se questionne sur un Dark Vador aussi squelettique que réel.
Cette dualité entre crasse et grâce prend tout son sens lors de la scène où Star fait pipi devant tout le monde en admirant les sublimes canyons, symbole d’une jeunesse engluée dans un quotidien peu reluisant mais toujours empreint de rêves et de libertés.
Une poésie sublimée par une bande-son fascinante
Les chansons s’enchainent, entre rap, country et folklore américain, donnant du rythme et du sens aux images et aux situations. La bande-son est remarquable, tant par sa qualité (« Beginning of everything ») que par sa quantité et c’est avec un vrai plaisir que l’on réécoute les différents morceaux une fois le film terminé.
Ces considérations sonores viennent renforcer cette poésie moderne constante du début à la fin, à l’image d’une conclusion magique (attention spoilers !). Au début, l’héroïne se prend pour un oiseau plein d’espoirs, avant de devoir redescendre de plusieurs crans (symboliser par les fils électriques)… Au point de se transformer en insectes, ces viles créatures qui semblent partager le même quotidien que tous ces marginaux, cherchant tous à survivre tant bien que mal. Star apprend beaucoup de ce voyage initiatique qui la fait évoluer au cœur de cette Amérique sucrée. Pense-t-elle qu’elle a enfin trouvé un milieu propice à son épanouissement, comme cette tortue plongeant dans l’eau ? A moins qu’elle ne cherche à se suicider pour fuir cette vie nauséabonde ? Ce milieu, ce système va-t-elle l’accepter ? Est-elle prête pour ça, à l’image de sa relation compliquée avec Jake ? En tout cas, elle finit par ressortir essoufflée de cette apnée improvisée… avant de voir une luciole illuminée s’envoler vers les sommets…
Vous l’aurez compris, American Honey est un vrai coup de cœur, tant sur le fond que sur la forme. En espérant vite revoir Sasha Lane dans un autre film !