Mustang est un film engagé qui donne à penser les excès des traditions en Turquie et au-delà dans les sociétés musulmannes. Consécutivement à un jeu de plage anodin, Lale et ses quatres soeurs, vivant chez leur grand-mère et oncle, découvrent une fois rentrées à la maison, que des voisines ont rapporté une version érotique du jeu. La famille se trouve affectée dans son honneur. Pour empêcher une nouvelle occasion d'affront, les filles quittent l'école, deviennent cloîtrées à la maison, formées par de vieilles femmes à leur future condition d'épouse soumise. Nous en sommes très malheureux pour ces jeunes filles pleines de vie. Je ne peux m'empêcher de faire un lien avec le livre de Abdennour Bidar "Lettre ouverte au monde musulman". Plutôt que de déformer en réduisant, je vais citer ce philosophe de confession musulmanne.
"Et il y a tant de familles où cette confusion entre spiritualité et servitude est incrustée dans les esprits dès le plus jeune âge et où l'éducation spirituelle est d'une telle pauvreté que tout ce qui concerne la religion reste quelque chose qui ne se discute pas !....
Car cette religion de fer impose à tes sociétés tout entières une violence insoutenable. Elle enferme toujours trop de tes filles et tous tes fils dans la cage d'un bien et d'un mal, d'un licite (halâl) et d'un illicite (harâm) que personne ne choisit mais que tout le monde subit. Elle emprisonne les volontés, elle conditionne les esprits, elle empêche ou entrave tout choix de vie personnel. Dans trop de tes contrées, tu associes encore la religion et la violence - contre les femmes, les « mauvais croyants », les minorités chrétiennes ou autres, les penseurs et les esprits libres, les rebelles - de sorte que cette religion et cette violence finissent par se confondre, chez les plus déséquilibrés et les plus fragiles de tes fils, dans la monstruosité du djihad !....
Et si tu veux savoir comment ne plus enfanter de tels monstres, je vais te le dire. C'est simple et très difficile à la fois. Il faut que tu commences par réformer toute l'éducation que tu donnes à tes enfants, dans chacune de tes écoles, chacun de tes lieux de savoir et de pouvoir. Que tu les réformes pour les diriger selon des principes universels (même si tu n'es pas le seul à les transgresser ou à persister dans leur ignorance) : la liberté de conscience, la démocratie, la tolérance et le droit de cité pour toute la diversité des visions du monde et des croyances, l'égalité des sexes et l'émancipation des femmes de toute tutelle masculine, la réflexion et la culture critique du religieux dans les universités, la littérature, les médias. Tu ne peux plus reculer, tu ne peux plus faire moins que tout cela !"
J'ai le sentiment que ces citations sont finalement la meilleure critique au sens de discussion de cet excellent film. Je ne serais pas surpris que l'on lui décerne un prix car il est l'un des meilleurs du premier semestre 2015.