Encore une escroquerie. Et encore un film pour les critiques gogos qui tombent une fois de plus dans le panneau et tressent des couronnes à ce navet. Coup de maître : ce film français issu de la consanguinité FEMIS tente de cacher son jeu en se faisant estampiller "film turc". Or il transpire la filiation avec "Naissance des pieuvres", "Grand central" ou autres "Suzanne" : comment se faire mousser sur les malheurs du monde en les nimbant d'esthétisme publicitaire. Le scénario ne tient pas 3 minutes. Cinq sœurs recrutées à l'agence Elite, orphelines pour couronner le tout, pleurent le départ de leur merveilleuse institutrice émancipatrice, qui quitte leur village reculé (mais où doivent exercer les meilleures esthéticiennes de Turquie) pour Istanbul, à 1000 kilomètres de là.
Pour fêter ça, les filles vont s'esbaudir dans la mer noire avec quelques couvertures de Vogue Homme, qui passaient par là. Et grimpent sur les épaules des éphèbes pour d'insouciantes petites chamailleries en mode concours de tee-shirts mouillés (remplacés ici par les des uniformes d'écolières, grand classique du porno "nubile"). Accusées de s'être masturbées sur les cervicales de leurs étalons, les filles seront claquemurées tout l'été dans la maison familiale, où l'oncle et la mémé vont tenter de leur inculquer - enfin !, se dit-on, considérant l'âge des plus grandes - les rudiments de la vie de ménagères soumises, et leur trouver un mari parmi les jeunes mâles abrutis et décérébrés des environs.
Le scénario avance à grandes enjambées pachidermiques, sans le moindre complexe dans l'accumulation des invraisemblances, des paradoxes et des télescopages improbables : c'est un conte, qu'on vous dit. Comme les publicités pour Dior. On sent derrière ce carnaval la volonté de fer d'une réalisatrice qui ne doute de rien et surtout pas d'elle-même, une énergie vorace qui ne s'embarrasse pas de scrupules. Elle exhibe ses mannequins comme des poupées suspendues à des fils, ne se fatigue pas à leur donner des personnalités distinctes : comme dans "Mad Max", c'est leur groupe, leur homogénéité, qui fait sens comme incarnation d'une féminité triomphante, théorique, abstraite. Or en choisissant précisément ces plastiques exceptionnelles, ce sont tous les clichés paternalistes, toutes les exploitations éhontées du corps de la femme ramené au statut d'objet, que le film célèbre en creux, tout en faisant mine de stigmatiser à bon compte - quoi de plus facile - les archaïsmes de la Turquie profonde.
Ecrit pour ramasser des subventions en masse, réalisé pour cartonner en festivals, "Mustang" est un de ces films odieux qu'on a honte d'avoir désiré sur la foi des commentaires laudateurs lus ça et là, et qui laisse un goût âcre dans la gorge comme un vin frelaté sous étiquette de grand millésime.