La mère à sa fille en train de jouer avec sa peluche : "T'es trop grande pour ça !"
Réponse de la fillette : "Toi, t'es trop grande pour plein de choses..."
Une panne de voiture. La nuit. La forêt. La pluie dense. Une bébête mystérieuse avec de sérieux griefs contre les humains.
Avec un pitch aussi minimaliste (en apparence), on ne peut pas s'empêcher de penser au premier film de Bryan Bertino, "The Strangers", qui voyait un couple subir les assauts de trois inconnus masqués dans une maison isolée. Et, comme il avait utilisé le home invasion pour réunir dans l'adversité deux personnages en proie à des doutes sentimentaux, Bertino va appliquer la même recette à une relation mère-fille dans le contexte d'un film de monstre.
Bien avant la moindre apparition étrange, "The Monster" nous place donc dans le triste quotidien d'une fillette attendant le réveil de sa mère pour partir rejoindre son père. Cette jeune -sans doute bien trop jeune- figure maternelle est en réalité le premier monstre du film que l'on nous présente de la manière la plus cruelle : rongée par l'alcool, désintéressée de sa propre progéniture et incapable de l'élever sans la moindre violence verbale ou pire... Le point de non-retour semble être atteint avec ce qui pourrait être leur dernier voyage ensemble, la fillette envisageant de rester avec son père une bonne fois pour toute. Mais des flashbacks très joliment mis en scène sans le moindre artifice vont peu à peu nous dévoiler que, dans cette relation on ne peut plus sombre, existe encore les traces d'un amour dont la source n'est pas totalement tarie. Des éléments extérieurs, l'addiction à l'alcool ou ce petit ami qui apparaît fugacement (pas un hasard s'il est interprété par Scott Speedman pour une si courte apparition laissant planer encore plus de noirceur implicite), semblent être en fait les véritables monstres ayant presque entièrement dévoré l'amour d'une mère pour sa fille. Alors, quand ceux-ci s'incarnent dans une créature bien réelle le temps d'une funeste nuit, il est temps pour la mère et la fille de s'unir pour la vaincre et surtout s'en sortir par la force d'une relation dont il ne reste plus que des bribes.
Si le discours métaphorique est indéniablement très réussi et rendu émotionnellement très fort par le jeu impeccable des deux comédiennes, l'affrontement au premier degré contre le monstre lui-même déçoit. L'atmosphère du huis-clos à ciel ouvert est bien là et les premières attaques font leurs effets mais, par la suite, "The Monster" va ensuite manquer cruellement de percussion là, où, par exemple, le réalisateur avait su maintenir une tension constante dans "The Strangers". La créature, une sorte de rejeton entre une panthère et un Alien de la célèbre saga, aura beau se montrer de plus en plus (ainsi que sa conception sans CGI, fait assez rare pour être souligner), les rares rebondissements qui en découleront ne passionneront guère à cause de leur caractère téléphoné, d'un rythme pas assez généreux et d'un temps de réaction des protagonistes souvent trop long pour réellement nous emporter malgré l'attachement que le film a su créé entre le spectateur et eux.
D'ailleurs, ce ne sera pas l'affrontement final symbolisant avec une certaine facilité le terme d'une période d'innocence qui aura le plus d'impact mais bel et bien cet ultime flashback déchirant entre cette mère et sa fille car, à défaut de provoquer le frisson, ce "Monster" possédait incontestablement un coeur.