Un très bon film français, c'est très rare ! Dans ce film, Daniel, surnommé "Microbe", est un enfant timide et rêveur. Quand Théo, dit "Gasoil", plus ouvert et déluré, est parachuté dans sa classe en cours d'année, une forte amitié naît entre les deux adolescents. À l'approche des grandes vacances, une idée folle naît dans la tête des deux amis : construire leur propre voiture avec quelques planches et une tondeuse à gazon, et partir sur les routes de France... On a souvent croisé de grands enfants dans le cinéma de Michel Gondry, des adultes qui restent trop petits pour le monde qui les entoure. A contrario, les gosses chez Gondry semblent davantage armés pour affronter la réalité, malgré les difficultés de l’adolescence. C’est en partie ce que l’on apprenait dans le bus scolaire de "The We and the I", c’est aussi l’histoire que raconte "Microbe et Gasoil", le nouveau long-métrage du réalisateur. Microbe et Gasoil, les ados anti-héros du film, sont au mieux des outsiders, au pire des freaks dans leur cour d’école; on trouve pourtant peu de jeunes gens comme eux qui ont leur courage ou leur créativité. Il y a, comme dans "The We and the I", quelque chose de tout à fait authentique dans ce portrait d’ados en période de lose : on n’a pas encore mué, on arbore des coiffures non-homologuées, et les relations ne semblent au top ni avec les filles, ni avec les garçons. Mais il y a aussi ici plus de décalage avec ces dialogues volontairement trop écrits, et cet esprit lunaire où le bus banal de "The We and the I" laisse place à un camping-car extraordinaire construit avec des planches de bois. "Microbe et Gasoil" est un projet plus léger, dans tous les sens du terme. La forme discrète est avant tout au service de ses jeunes acteurs convaincants, une simplicité assez inédite dans le cinéma du réalisateur. Cette économie n’empêche pas la dimension ludique de s’exprimer, avec sa carte de France transformée en grand terrain de jeu, de patelins en Bourgogne en poursuites sur le barrage du Crescent. La cabane sur roues construite par Microbe et Gasoil semble être une réminiscence de la cabane qui servait d’abri à Bjork dans le clip de "Human Behavior". Mais, différence de taille : dans "Microbe et Gasoil", celle-ci prend des allures de tank lancé sur les routes. "Microbe et Gasoil" surprend, mais "Microbe et Gasoil" est aussi du pur Gondry. Il y a toujours eu un rapport contrarié à la normalité chez le cinéaste : on essaie de s’y mouler dans "Human Nature", on s’y heurte dans "La Science des rêves", on se demande ce qu’est un couple normal dans "Eternal Sunshine of the Spotless Mind". Le voyage dans "Microbe et Gasoil" reste inévitablement une parenthèse enchantée et il y a des chances pour que le réel parfois amer reprenne le dessus. Comme les précédents héros de Gondry, Microbe et Gasoil ne seront jamais vraiment normaux mais sont faillibles, tordus, maladroits, bref ils partagent une même humanité. Et puis il y a cette certitude : un film qui dit des saloperies sur Shakira ne peut pas être mauvais, et c'est même d'ailleurs un très bon film français sur l'amitié et l'adolescence que je recommande chaudement