Michel Gondry est tout simplement le cinéaste français le plus inventif de sa génération qui a su, en quelques années et une poignée de films, inventer un univers visuel riche grâce à un style artisanal inimitable. Dire que j'aime beaucoup le style de Gondry serait un euphémisme et ne rendrait pas honneur à l'admiration que je lui porte, même si évidemment je n'encense pas tout ses films car beaucoup son pétrit de défauts. C'est d'ailleurs un peu le revers d'un cinéma artisanal qui, malgré son inventivité fulgurante et le talent nécessaire pour l'entreprendre, est empli de maladresses. Néanmoins le tour de force de Gondry, c'est qu'il est un des rares cinéastes à arriver à me parler intimement. Que ce soit dans son chef d'oeuvre Eternal Sunshine of the Spotless Mind, où je me suis entièrement retrouvé dans la sensibilité, la candeur et la mésestime de soi du personnage principal, ou encore dans son excellentissime film expérimental The We and the I, où il interrogeait avec intelligence et virtuosité ce que c'est que d'être jeune dans un film bouleversant et habile dans sa justesse et sa portée à la fois intimiste et universelle, mais aussi dans son très réussi Be Kind Rewind, qui était une belle déclaration d'amour à la cinéphilie et où je m'y suis aussi entièrement retrouvé. Il est juste dommage que parfois il ne maîtrise pas autant ses sujets et ses promesses comme pour le très attachant mais maladroit The Science of Sleep ou encore qu'il se soit parfois perdu dans les impératifs de studio comme avec le sympathique mais impersonnel The Green Hornet ou encore le très moyen L’Écume des jours. Mais voilà que Michel Gondry est de retour avec ce qui est probablement son film le plus intimiste et personnel, étant parait-il presque autobiographique même. Mais est-ce que cela est suffisant pour en faire un film à la hauteur de ses promesses, arrivant à conjuguer l'univers rêveur de Gondry, sa verve poétique et son style visuel très artisanal ? Tout d'abord il est impressionnant de constater à quel point Gondry arrive à retranscrire avec justesse les affres de l'adolescence. C'est rare de voir un tel niveau de maîtrise sur le sujet surtout que le film aborde des questionnements que l'on n'a pas l'habitude de voir ou ce fait original dans la manière de les traiter. D'ailleurs sur ce point le film m'a parlé de manière très personnelle, je me suis totalement reconnu dans le personnage de Microbe, je faisais comme lui très jeune pour mon âge, j'avais les longs cheveux et on ne prenait parfois pour une fille donc j'ai totalement compris les frustrations du personnage et ce qu'il traversait ce qui fait que mon empathie pour lui était très prononcé. Le film traitera aussi avec intelligence le caractère lunatique de Microbe, étant aussi lunatique par nature j'ai eu facilité à en reconnaître les signes, ce qui n'est pas évident car le film use de toutes sortes de stratagèmes pouvant parfois passer pour des maladresses. Notamment avec l'utilisation d'astuces de montages avec emplois assez habile de faux raccords, des ellipses inattendus qui signifie les absences du personnage quand il est dans ses rêveries ou encore des modifications de dialogues vraiment bien pensés, comme par exemple des changements de noms inopinés pour les personnages. Même si on peut avoir l'impression que ce sont des erreurs du film, celles-ci sont entièrement voulus et renforce la caractérisation du personnage et de l'amitié qui le lie à Gasoil. Après le film sera vraiment divisé en deux parties, le rendant légèrement mécanique dans son approche, une première partie qui se déroule à Versailles et qui s’intéresse aux émois adolescents et une deuxième sous forme de road trip qui se concentre entièrement sur l'amitié. Ce qui fait que le film peine parfois à trouver son rythme et qu'il manque de fluidité lorsqu'il passe d'une partie à l'autre. La première partie sera à mon avis la plus intéressante, posant des questions pertinentes sur l'appréhension de la vie sous le point de vue adolescent avec les questionnements sur la mort, la différence, l'envie de savoir qui on est et si l'on veut être différent ou comme les autres, la créativité et le besoin de l'exprimer mais surtout sur la sexualité. Là aussi dans ses questionnements je me suis entièrement retrouvé en Microbe même dans ses troubles et ses peurs, notamment ses réflexions sur la mort ou ses problèmes pour dormir avec son rituel pour trouver le sommeil qui fait écho de manière troublante à mon propre vécu. Cela donne indéniablement un coté vrai au film, surtout que le film ne prend pas de détour sur certains aspects de l'adolescence, notamment lorsqu'il apporte de manière frontale, l'attente d'un jeune ado pour sa première éjaculation qui peine à venir. C'est quelque chose qui touche beaucoup de monde et pourtant on n'en parle rarement, inquiétant ceux victimes de cette attente et qui se demandent si ils sont normaux ou pas. Le film va donc très loin dans ses réflexions touchant au cœur des peurs adolescentes et des affres de la sexualité naissante. Malheureusement le film se fera plus classique dans sa deuxième partie, perdant un peu de sa magie et tirant en longueurs à cause de situations forcées. Comme par exemple un arrêt inopportun chez un dentiste, une quête désespérée pour trouver un coiffeur qui deviendra un peu abracadabrante ou encore un concours de dessin qui tombera pile au bon moment et qui fait un peu deus ex machina. Néanmoins malgré ses défauts, le film traitera avec justesse l'amitié entre Microbe et Gasoil posant même les réflexions sur l'influence que les autres ont sur nos vies mais par contre c'est le personnage Gasoil qui se trouve perdant au final, étant souvent sacrifié au profit du parcours émotionnel de Microbe. D'ailleurs le film se fait très masculin au final, préférant s'intéresser à l'amitié virile reléguant souvent les figures féminines au rang de mythes inaccessibles et très sexués car les deux garçons on une vision assez restreinte de la femme en général, elle se résume à des peines de cœurs et des envies de découvrir les balbutiements de leurs sexualités ( ah les joies des hormones en ébullitions... ). C'est finalement assez dommage surtout que quand le film se décide à adopter un point de vue féminin, il le fait en fin de parcours pour tomber dans la facilité et une certaine complaisance, enlevant toute impact à la conclusion. Néanmoins ça n'enlève rien au côté extrêmement frais du récit, qui se montre souvent très drôle et parfois touchant grâce à un excellent travaille sur les dialogues et un duo incroyablement attachant. Par contre le défaut de ce genre de film vient aussi des acteurs, car à prendre des acteurs très jeunes on s'expose souvent à des approximations dans les interprétations et c'est malheureusement le cas ici. Même si les deux acteurs principaux, Ange Dargent et Théophile Baquet, s'en sortent globalement bien, ils restent assez inégaux d'une scène à l'autre. Tandis que la plupart des acteurs du même âge qu'eux peinent sérieusement à convaincre notamment l'actrice qui incarne la fille dont est amoureux Microbe. Par ailleurs le casting adulte s'en sort très bien même si on retiendra surtout Audrey Tautou, très drôle et attachante. Pour la réalisation on est en face de quelque chose d'assez classique, le montage se fait assez habile, les musiques sont sympathiques et inspirées tandis que par contre la photographie manque un peu de personnalité. Globalement pour la mise en scène on est en face d'un Michel Gondry en mode mineur, même si cela n'est au final pas vraiment dérangeant, permettant d'avoir un plus plus sensible et personnel à défaut d'être plus habité. On retrouve quand même ce style artisanal toujours aussi efficace offrant beaucoup d'originalité au film et l'ensemble se montre très maîtrisé offrant même quelques gags visuels assez savoureux. En conclusion Microbe et Gasoil est un film bourré de défauts mais qui se montre quand même incroyablement attachant. Honnêtement je ne peux le voir comme un bon film relativement malin et juste dans son approche de l'adolescence et de l'amitié. Malgré ses longueurs et son final relativement raté, le film s'impose comme une belle ode à l'adolescence et à la soif de vivre, habilement traité, très drôle et touchante. Le film parvenant même à être émouvant lorsqu'il touche du doigt les origines même de ce que l'on est et c'est d'autant plus vrais lorsque l'on a le même vécu que le personnage, ce fut mon cas et je suis sûr que je ne suis pas le seul. Et je crois qu'il n'y a pas plus précieux qu'un film qui arrive à nous parler aussi intimement en arrivant à faire remonter à la surface des émotions et des souvenirs que l'on pensait enfouis, comme lorsque l'on se replonge dans un vieil album photo et que l'on se repense avec nostalgie à ce "bon vieux temps". Donc malgré tout ses défauts c'est ce que m'a fait éprouver le film grâce à sa magnifique justesse, ce n'est pas la première fois que Gondry me fait plonger aussi loin dans son univers et il est définitivement un cinéaste qui me parle, ce qui est suffisamment rare pour être salué.