La comédie à la française se porte bien en ce début d’année. Elle s’essaie même avec bonheur à des registres qui n’étaient pas trop dans sa veine. Ou dans son savoir-faire. Après "Discount", la comédie sociale de Louis-Julien Petit dont la belle énergie, l’humour de résistance, font irrésistiblement penser à un Ken Loach (en moins bien d’accord, faudrait pas exagérer), c’est cette fois côté américain, chez Judd Apatow, qu’on peut trouver les influences de "Toute première fois", le film de Noémie Saglio et Maxime Govare. L’humour régressif, les dialogues mitraillette, les situations un poil too much dont le producteur américain a fait sa marque, tout est là, mais il fallait évidemment autre chose pour faire de ce premier long une aussi jolie réussite dans le genre – celui, très balisé, de la comédie sentimentale. Balisé, je ne saurais mieux dire, les 2 réalisateurs ont d’ailleurs décidé de suivre scrupuleusement toutes les balises. Et sur le schéma ultra convenu du garçon-qui-rencontre-la veille-de-son-mariage-la-fille-qui-va-tout-faire-capoter, ils vont enquiller toutes les scènes connues. Sauf que, petit détail qui change tout, Jérémie, leur héros, est homo, son mariage aussi, et la belle suédoise auprès de laquelle il se réveille un matin aurait normalement dû le laisser de marbre. Toute la force du film tient dans ce savoureux retournement. On revisite les unes après les autres les situations habituelles avec un point de vue inversé. Et aussi prévisible qu’il soit, le parcours est assez jubilatoire. Les acteurs s’en donnent à cœur joie, accumulant les morceaux de bravoure comme autant de futures scènes cultes. J’ai été très heureuse de voir Isabelle Candelier et Frédéric Pierrot, deux comédiens que j’adore, aussi bien servis. Quant à Camille Cottin et Franck Gastambide, qui jouaient les utilités dans quelques comédies 2014, ils trouvent ici enfin des personnages à la hauteur de leurs tempéraments. Alors bien sur, le rythme faiblit un peu dans la dernière ligne droite, la fameuse résolution du dilemne amoureux, le moment toujours assez foireux où le héros traverse en courant New-York ou s’envole pour l’autre bout de la planète pour livrer sa piteuse et poignante déclaration. Mais les auteurs ont eu le bon goût de ne pas laisser Jérémie seul dans cette galère et, le flanquant de son clown blanc, de prolonger la comédie. Le bon goût aussi de finir leur film sur une note indécise, un dénouement joyeux et légèrement troublé. Pio Marmai, acteur homo-compatible, joue avec entrain et finesse cette partoche impeccable.