"Victoria" est un film proprement bluffant. Bluffant du point de vue de la mise en scène qui, dans un unique plan-séquence de plus de 2 heures, raconte l'histoire d'une jeune espagnole qui se laisse entraîner dans une descente aux enfers dans les nuits berlinoises ; bluffant du point de vue des acteurs qui ne démentent jamais dans leur prestation, portée à bout de souffle ; bluffant du point de vue de la photographie et de la lumière qui mettent magnifiquement en valeur les décors urbains et souterrains des nuits à Berlin. Victoria, 20 ans, rencontre, à la sortie d'une discothèque, un groupe de jeunes gens, troublants et allumés, qui va l'entraîner dans un véritable cauchemar de drogue, de révolvers et de sang. Sébastien Schipper réalise un film virtuose qui mélange tous les genres. Le spectateur est plongé au cœur même des nuits berlinoises et éprouve très vite un sentiment de suffocation et de terreur, comme si l'image s'était soudain transformée en 3 D. Cette immersion au centre des déambulations nocturnes des jeunes gens fait l'effet d'un film d'épouvante, tant la caméra filme au plus près des regards, des mains ou des yeux. On est aussi dans le film policier, certes, un peu invraisemblable ou maladroit. On est aussi dans le film romantique qui évidemment met en scène les amours des deux héros. Le réalisateur ne cède jamais à la facilité. Si la belle Victoria paraît des plus naïves, elle fait rapidement montre d'une complexité et d'une véritable ambiguïté dans le comportement. Une très belle scène dans le café où elle travaille, révèle à partir d'un morceau de piano qu'elle interprète avec brio, le caractère hybride de la jeune-fille, à la fois timide et réservée, et en recherche de revanche sur la vie et d'excitation. La jeune étudiante succombe à la drogue qui apparaît le déclencheur de cette plongée en enfer, qui sans doute, la marquera à tout jamais. Le film rend un hommage appuyé aux techniciens indispensables à la réalisation d'un film. On pense aux cadreurs, aux électriciens, aux cameramen, etc. dans ce film construit avec la rigueur et la précision d'un orfèvre. Chaque détail, chaque voiture qui passe, chaque téléphone qui sonne, chaque marcheur ou danseur, sont le résultat d'une mise en scène taillée dans la pierre, où il n'y a pas le droit à l'erreur. Les acteurs, et particulièrement Laia Costa, sont embarqués dans cette immense et terrible descente aux enfers, sans jamais démentir dans la rigueur et l'engagement nécessaires pour un tel rôle.