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Florent Blenck
16 abonnés
41 critiques
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4,5
Publiée le 20 octobre 2015
The Look of Silence est la suite officieuse du documentaire The Act of Killing, comme la similitude de leurs titres le suggère. Ce dernier révélait déjà un génocide oublié (un million de morts, voire plus), dont les exécutants se vantaient publiquement d’avoir « sauvé l’Etat » et jouissaient souvent d’une reconnaissance publique jamais menacée. Après avoir suivi les tueurs, Joshua Oppenheimer s’attache désormais à suivre une victime de ce drame : Adi, dont son frère aîné – qu’il n’a jamais connu – a été tué sous prétexte qu’il était communiste. Les confrontations successives entre Adi et les différents bourreaux de son frère sont très fortes : visuellement déjà, puisque le jeune ophtalmologiste va symboliquement vérifier la vue des tortionnaires de son frère, dans une tentative de rétablir la vérité et la vue de gens qui se sont enfermés dans le mensonge. The Look of Silence est au génocide indonésien ce qu’Eichmann à Jérusalem a été à la Shoah : une œuvre où les perpétrateurs de crimes horribles, une fois mis en face de leurs responsabilités, se réfugient derrière la hiérarchie, la nécessité de protéger l’Etat, la religion, la stabilité et l’ordre.
Mais plus qu’un simple constat sur la banalité du mal, Joshua Oppenheimer et Adi donnent vraiment à voir la loi du silence qui règne toujours en Indonésie, 50 ans après les faits, au risque qu’ils sombrent définitivement dans l’oubli. C’est le mutisme des parties prenantes qui explique que rien n’ait changé depuis lors, et que les bourreaux soient toujours aussi fiers de ce qu’ils ont commis. Ils occupent toujours des postes de responsabilité dans la société indonésienne (l’un d’entre eux est devenu le chef du parlement régional !). Mention particulière à la scène où la mère d’Adi apprend que son frère gardait la prison où son fils a été emprisonné avant d’être emmené et exécuté, forte et saisissante. Mais malgré toutes les fanfaronnades des exécutants, leurs enfants ignorent souvent ce que leurs pères ont réellement fait. Le silence traverse toutes les couches de la société indonésienne et s’infiltre jusque dans les familles.
Alors, plutôt que de tenter de faire parler des personnes effrayées par la répression, Oppenheimer et Adi filment leurs regards, qui eux ne mentent pas, et qui font toute la substance d’un film profond, nuancé, cherchant à perpétuer la mémoire des victimes dans une démarche audacieuse, courageuse, et peut-être salutaire.
Grand prix du jury à la Mostra de Venise (2014). Un documentaire particulièrement brillant qui évoque une période sombre de l'histoire indonésienne des années 1965-1966. L'œuvre est d'autant plus bouleversante que les génocidaires, souvent dans le déni, sont toujours au pouvoir, bénéficiant d'une totale impunité. La démarche est courageuse et pertinente, basée sur les témoignages cyniques des bourreaux, de ceux - qui par peur ? - ont participé indirectement aux massacres, de ceux qui sont restés silencieux depuis ... Adi Rukun, l'opthalmo itinérant, est d'une dignité stupéfiante et semble être en perpétuelle quête de vérité quant à la responsabilité morale des auteurs, nous aussi ... Un chef-d'œuvre !
Cette page de l'histoire indonésienne est mal connue en Occident : en 1965-1966 la dictature du général Suharto a massacré entre 500.000 et un million de communistes ou suspectés de l'être. Joshua Oppenheimer, un documentariste américain, est parti à la recherche des auteurs de ces crimes et de leurs survivants survivants. Il en a tiré un premier film en 2012 "The Act of Killing". "The look of silence" en constitue le second volet qui s'attache aux pas du frère de l'une des victimes. Sans esprit de vengeance, avec une étonnante placidité, il profite de l'exercice de son métier d'opticien de campagne pour reconstituer les circonstances de la mort de son frère.
"The Act of Killing" présentait des assassins bravaches qui, loin de nier les crimes commis ou de s'en repentir, s'en enorgueillissaient, allant même jusqu'à en reconstituer la scénographie devant la caméra. "The Look of Silence" est tout aussi troublant qui place les bourreaux face à leurs victimes. Ce face-à-face est extrêmement troublant. Car les bourreaux comme les victimes n'ont pas le comportement ou les réactions qu'on attendrait d'eux. L'opticien enquêteur affiche en toutes circonstances un visage impavide comme si aucun sentiment le traversait : ni désir de vengeance, ni chagrin. Les bourreaux et leurs familles ne sont guère plus expressifs, manifestant tout au plus quand ils sont poussés dans leurs retranchements, une gêne agacée. Du coup, ces confrontations produisent sur le spectateur occidental un résultat paradoxal. Au lieu de nous sensibiliser aux atteintes portées à l'universalité de la condition humaine, elles nous font toucher du doigt l'immense fossé culturel qui nous sépare.
Le Regard du silence, c’est d’abord un grand documentaire. Un doc de choc, comme un coup de poing à l'estomac qui coupe le souffle un moment. Il raconte un des plus grands génocides de l’histoire contemporaine. Le 1er octobre 1965 en Indonésie, un général chasse l’autre du pouvoir. La répression qui suit le coup d’état vise en premier les communistes et leurs sympathisants. Traqués, torturés et exterminés par les escadrons de la mort encadrés par l’armée. Il y aura au moins 500000 morts. Quelques responsables de ces massacres sont encore vivants. De vieux messieurs fatigués ou malades qui ont plus de 80 ans. Joshua Oppenheimer est allé en filmer en suivant un jeune ophtalmo qui interroge et écoute. Il découvre notamment comment son frère a été assassiné, ainsi que l’homme qui l’a tué. Pas d'images spectaculaires, mais les souvenirs font mal. Parfois, les hommes assument avec fierté leurs crimes, exhibant même des comptes rendus leurs « exploits ». Plus souvent, ils préfèrent invoquer la raison d’Etat, ou feindre l’oubli. L’oubli, voilà le danger. Mais si le film parle de la nécessité de briser le silence de la mémoire, il parle aussi du traumatisme qui vient, alors même que le silence est rompu. « Si on veut détourner le regard et penser à autre chose, dit le réalisateur, rien ne rendra jamais entier ce qui a été brisé. Rien n’éveillera les morts. Alors on doit s’arrêter et reconnaître les vies qui ont été détruites. On doit faire l’effort d’écouter le silence ». Un documentaire beau et fort à la fois.
"The Look of Silence" est un documentaire édifiant,poignant et intense sur le massacre des communistes en Indonésie je connaissais pas du tout cette page de l'histoire,j'ai trouvé particulièrement poignant certains passage surtout le face à face entre le frère d'une des victimes face à ses bourreaux.à voir car utile et pour ne pas oublier.
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18 103 critiques
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4,5
Publiée le 21 septembre 2021
The Look Of Silence est un fantastique complément à The Act of Killing l'un des films les plus profondément dérangeants que j'aie jamais vus de ma vie. Mais il n'est pas juste de dire qu'il s'agit d'une continuation de ce film et ce sur quoi il tourne est intrinsèquement intéressant et fascinant en soi. Le film est exaspérant de la même façon que The Act of Killing l'était mais moins du simple fait qu'il est moins concentré sur les individus qui ont commis ces actes. Et parce qu'il se concentre sur la famille d'une victime il est plus sincère d'une manière que l'autre n'était pas. C'est un film fantastique qui est stimulant qui est inconfortable dans les idées et les questions qu'il aborde. The Look of Silence et The Act of Killing sont tous deux exaspérants pour les spectateurs occidentaux qui ont été élevés dans la croyance que la liberté et la justice finissent par triompher et que le mal qu'il soit individuel ou systémique est lui puni. Ce sont des films brillants et même s'ils sèment certainement des doutes dans ma tête sur l'état de l'humanité je me sens une meilleure personne pour les avoir vus...
Joshua Oppenheimer, après le très dérangeant The Act of Killing, continue de mettre en lumière un des plus grands massacres politiques du XXème siècle et pourtant méconnu: l’élimination en Indonésie, en 1965-66 d’environ un million d’opposants jugés communistes, suite au coup d’état raté de ces mêmes communistes, qui furent ensuite traqués et éliminés méthodiquement par de tristes sires, interrogés des décennies plus tard par un ophtalmologue qui est également le frère d’une des victime de cette épuration. Le documentariste reprend le même procédé que dans son précédent film, il filme les témoignages des bourreaux, qui se confient sans vergogne, mais à la différence de The Act of Killing, il filme également des victimes, qui peinent parfois à se confier, car les personnes ayant commandité et exécuté ces basses œuvres jouissent encore de nos jours d’une totale impunité, certains ont même des responsabilités politiques. Ils débitent alors les même arguments que n’importe quel autre criminel de masse du XXème siècle : « oui mais il fallait exécuter les ordres de la hiérarchie », « c’était eux ou nous », « ces éliminations sont légitimes vu le contexte mondial et la politique d’endiguement du communisme menée par les Etats Unis », et bien évidemment on a aussi les classiques arguments négationnistes. Cette œuvre permet ainsi de maintenir la mémoire de ce massacre, d’éviter qu’il ne tombe dans l’oubli car si c’était le cas, les bourreaux seraient doublement victorieux.
Vous pouvez lire sur mon blog d'autres critiques, celles-ci sont illustrées et un peu plus développées: