Dès l'annonce de ce biopic cinématographique (le premier dédié à Elvis Presley), quelque chose tombait sous le sens : les univers respectifs du réalisateur australien Baz Luhrmann et du King of Rock n'Roll étaient faits pour se rencontrer et se mettre au service l'un de l'autre.
La mise en scène de Luhrmann, folle et démesurée, clinquante et excessive, colle impeccablement à l'imagerie "bigger than life" qui se dégageait de cet artiste légendaire et permet, dès les premières secondes du film, de se plonger pleinement dans son parcours de vie hors-norme.
En résulte une œuvre électrique et exubérante de près de 2h40, frénétique mais lisible, faisant se confondre les styles musicaux d'hier comme d'aujourd'hui (comme souvent chez Luhrmann) et se déroulant du milieu des années 50 jusqu'au tragique décès du King en 1977.
Mais au lieu de se dérouler comme un simple récit hagiographique, faisait la part belle aux grands faits de son protagoniste, le film préfère se centrer sur une collaboration fructueuse et houleuse : celle qui a uni durant de nombreuses années Elvis à son imprésario, l'énigmatique et manipulateur "Colonel" Parker.
Selon ce dernier, pas de Colonel, pas d'Elvis tel qu'on le connaît aujourd'hui. Mais l'inverse est vrai lui aussi.
Des débuts de Presley, présenté comme le fruit défendu d'une Amérique conservatrice et ségrégationniste, jusqu'à son grand show à Las Vegas qu'il joua quotidiennement durant plusieurs années, à l'image d'une star prisonnière de sa cage dorée, sa carrière et ses "choix" furent dictés par celui qui aimait à se surnommer le "roi des entourloupes".
Une relation de dépendance (parfois pour le meilleur, mais aussi pour le pire) entre un artiste qui souhaite à tout prix conserver son indépendance sur scène et un manager au passé trouble qui va tout faire pour garder une emprise sur son jeune poulain.
Un face-à-face troublant, incarné à l'écran par deux grands acteurs. D'un côté, un Tom Hanks méconnaissable et à contre-emploi, arrivant à faire ressortir avec beaucoup de justesse toute l'ambiguïté du Colonel, entre sincérité et tactique en coulisses.
Et de l'autre, la révélation Austin Butler (déjà aperçu dans «Once Upon a Time...in Hollywood»). Totalement investi dans son rôle, il n'imite pas Elvis, il l'incarne. Une sorte de diamant brut à la James Dean, une bombe de charisme qui a su s'approprier la gestuelle et la voix (oui, c'est bien lui que vous entendez chanter quand il interprète Elvis jeune) et donner vie à la légende, mais surtout à l'homme derrière la légende. Un acteur à suivre de près pour la suite en tous les cas (et une petite nomination à l'Oscar en 2023 ?).
Que l'on soit sensible ou non au cinéma de Luhrmann, on ne peut en aucun cas lui reprocher de proposer quelque chose d'original et de haut en couleurs pour le grand écran. Et ce biopic, entre excès et intime, entre force musicale et désillusion du show-business, le prouve une nouvelle fois.
L'histoire d'un rebelle passionné, dépassé par son image, qui a tout donné pour son public et chanté jusqu'à son dernier souffle. Le roi du rock, pour toujours.