Evidemment un film à part. Les derniers jours d'un homme qui a décidé de mettre fin à sa vie. Thème éminemment tragique et d'emblée traité sur un mode grotesque, puisque notre anti-héros a pris pour se suicider sa bicyclette et se balade tout au long du film dans ce costume si subtilement ridicule d'une tenue de sport bic orange fluo. Le bonhomme est las d'une vie dont il vient de boire jusqu'à la lie la potion amère, non qu'il ait été malheureux particulièrement, il l'a été comme tous les hommes modernes le sont aujourd'hui, selon lui, forcés qu'ils sont de réussir, d'être performants, même s'ils ne sont aucunement doués pour ça. Le point de vue pourrait être simple, même simpliste, je l'ai ressenti plus complexe.
D'abord l'homme est loin d'être un imbécile, cette conscience malheureuse est très aboutie, elle s'alimente à une réflexion philosophique que certaines séquences traitent avec beaucoup de talent. Deux scènes m'ont plu tout particulièrement, par le mélange des genres et l'habileté de l'aphorisme: celle où le personnage voulant allumer sa cigarette s'aperçoit qu'il ne sait pas faire du feu, à quoi s'ajoute son incapacité à dessiner un boeuf sur un rocher : 15 000 ans d’histoire pour en arriver là ! ; celle aussi où avec un homme qu'il rencontre sur son chemin il pousse pour jouer un petit cycliste miniature grâce à un jet de billes. Bon compagnon, l'autre qui a perdu, part d'une crise de fou rire très communicative, et le héros de conclure: "Voilà, j'ai tout foiré, j'ai pris la vie trop au sérieux, alors qu'elle n'est qu'une partie de billes entre 2 néants".
En réalité cette balade ante-mortem révèle encore bien des choses à cet homme fini que la merveilleuse nature qu'il traverse laisse totalement indifférent, voire hostile (« Tu te crois beau, dit-il au soleil qui disparait dans ses voiles, va te coucher !). Mais rien n’y fera, même l’espoir traité de façon poétique et amusante du dernier recours, la fée endomorphine qui vient temporairement à son secours, ne suffira pas. Le dénouement est inéluctable. Sur un mode minimaliste que dément la somptuosité et la force d'une musique faite de chants de douleur, nous assistons à la mort d'un quidam certes mais aussi à celle de l'homme tout entier, celui qui a échoué à s'élever vers de splendeurs inaccessibles qu'évoque le poème final.
Quant à l’acteur, que ce soit Houellebecq ne me gêne pas ; franchement il a la gueule de l’emploi et ses envolées lyriques au cœur d’un drame d’une intense banalité métaphysique sont tout à fait le reflet de son univers de création littéraire.