Le film qui a inspiré mon roman « Vivre seul, mourir ensemble » (un peu d’auto promo, ça ne fait pas de mal !) de par son idée géniale de faire se croiser plusieurs histoires, des tranches de vie réalistes, touchantes.
Paul Thomas Anderson livre un film choral basé sur plusieurs personnages, dont aucun ne tire la couverture à lui. Ils se croisent, sont unis par un lien, une personne, ils sont plus ou moins proches et vivent des moments importants de leurs vies lors de cette journée si particulière. Ces individus sont des gens comme vous et moi, des personnages imparfaits, tracassés par leurs problèmes qu’ils cherchent le plus souvent à fuir (maladie, amour, trahison, rejet) ou à enfouir sous une épaisse carapace. On trouve ainsi un homme mourant en quête de rédemption auprès de son fils, ce même fils devenu un parfait donneur de leçons (je reviendrai sur le personnage joué par Tom Cruise qui pour moi trouve le rôle de sa vie ici), un infirmier bouleversant joué par le regretté Philip Seymour Hofmann, un homosexuel à la recherche de son passé glorieux oublié, un enfant génie exploité par son père, une fille toxico, un flic à la recherche de l’âme sœur, une femme qui a trompé son mari et se rend compte qu’elle l’aime trop tard… Toutes ces personnes, c’est nous, ou ça peut être nous. Des personnages banales, dans leur vie banale et surtout avec leurs démons, leurs passés, leurs souffrances aussi et leurs combats pour avancer. Ce film est bouleversant, sincèrement, il ne souffre d’aucun défaut tant il sonne vrai dans son intrigue, ses dialogues et son interprétation.
Mais ce film est avant tout un film à la dramaturgie forte, un film qui dégage une atmosphère permanente de regret, une émotion palpable dans chacune des scènes. Il se regarde comme un lire qu’on feuillette, bourré de détails, de richesses des sentiments, de personnages tous plus fascinants les uns que les autres. Tout est pensé, travaillé avec grand soin, pour que l’on soit spectateur de ce drame du quotidien en plusieurs actes et que jamais l’on ne décroche. PTA (je trouve ça classe comme acronyme) nous offre un moment de grâce, une mise en scène exceptionnelle de par des plans séquences fabuleux et une bande son inoubliable. On retiendra les deux chansons d’Aimee Mann, « Save me » et surtout « Wise up », interprétée en chœur par tous les protagonistes et qui nous tirent les larmes. Cette chanson me fout la chair de poule à chaque écoute, impossible de ne pas repenser à cette scène sublime…
Le casting est brillant, on retrouve une pléiade de monstres du cinéma tous plus investis tels que Tom Cruise, Philip Seymour Hoffman, William H. Macy ou Julianne Moore pour les principaux. Mais sans le vouloir et contrairement à nombre de ses films, Tom Cruise sort du lot dans un registre bien différent de son habitude. Emouvant, il nous montre toute l’étendue de son talent dramatique et nous bouleverse dans sa rage contenue qu’il tente de maitrisée puis dans son « craquage » lors du décès de son père.
Bref, un film magique, trois heures de pleurs, de beauté, d’émotion et une chose à retenir : les coïncidences n'existent pas, comme nous le prouve cette scène d’ouverture absolument superbe et terriblement décalée, digne d’une des morts de « Six feet under ».
Auteur du livre "Guide de Survie du Cinéphile Amateur" (sortie janvier 2019)