Pascal Plisson a eu l’idée de faire un documentaire dans la même lignée que Sur le chemin de l’école, son long-métrage précédent, en rencontrant un jeune violoniste dans un train en direction de Saint-Pétersbourg. Ce dernier venait d’un village de Sibérie dans l’espoir de réussir le concours d’entrée d’une des plus prestigieuses écoles de musique de la ville. "Je ne le reverrai jamais, mais cette rencontre a semé mon désir de filmer à travers le monde la passion, la détermination et le surpassement de soi d’enfants exceptionnels", explique le réalisateur.
Ce n'est pas la première fois que Pascal Plisson s'intéresse au thème de l'éducation et de l'apprentissage. Son documentaire précédent, Sur le chemin de l'école, accompagnait des enfants aux quatre coins du monde dans leur périple vers l'école. L'UNESCO, l'organisme de l'ONU qui lutte pour la conservation du patrimoine et la diffusion de la culture et de l'éducation dans le monde, a salué son travail. L'UNESCO est également devenu l'un des partenaires de ce nouveau documentaire.
D'après Pascal Plisson, le choix des enfants n'est pas chose aisée : "Je vois un grand nombre d’enfants sans rester longtemps dans tel ou tel pays – en moyenne six jours de repérages par destination", explique-t-il. Par exemple, pour trouver le personnage du boxeur, il a fallu en sélectionner une vingtaine avant de faire un choix, en plus de rencontrer la famille, les amis proches, les entraîneurs ou les professeurs... Il en est allé de même pour les trois autres enfants. Pour la Mongolie, le réalisateur dit avoir hésité à filmer les contorsionnistes, parce que c'est un milieu extrêmement dur, où les jeunes s'apparentent plus à des forçats qu'à des sportifs... Mais la décision finale se fonde sur "un déclic" et le réalisateur, à la recherche de personnalités hors du commun, s'est résolu à choisir la jeune Deegii Batjargal.
Le grand jour accompagne quatre enfants ou adolescents dans leur quête de succès académique, professionnel ou sportif. Mais allier quatre récits distincts présente des difficultés : en plus du montage, qui se doit d'éviter l'écueuil du "catalogue", comme le dit Pascal Plisson, où les enfants et leur histoire seraient alignés les uns après les autres, cela exige une grande organisation. Le réalisateur était présent pendant tout le processu de fabrication du film : montage, mixage, étalonnage, etc.
Pascal Plisson a expliqué que l'écriture d'un scénario, ou du moins d'un script, était nécessaire pour séduire les investisseurs. Mais comme il s'agit d'un documentaire, les événements sont imprévisibles. "Nous avons tourné énormément d’heures de rushes, et laissé beaucoup tourner la caméra au contact des enfants. Ce qui nous a permis de saisir des moments de vérité, des instants pris sur le vif, qui n’étaient pas écrits ou prévus initialement." Les segments tournés étaient si longs que le montage a duré 22 semaines. Le réalisateur a même hésité à supprimer l'histoire de Tom Ssekabira, l'ougandais, mais n'a pu s'y résoudre.
Pascal Plisson a insisté à plusieurs reprises sur l'importance d'établir une relation de confiance entre l'équipe et les enfants, surtout que la plupart d'entre eux n'ont jamais été devant une caméra. Il souligne : "Certaines personnes peuvent se braquer, se dire qu’on vient les filmer pour les caricaturer, pour immortaliser leur pauvreté et leur manière de vivre chichement. J’ai passé des journées avec eux avant le tournage. Je les ai accompagnés à l’école. Je les ai longuement observés, leurs habitudes, leurs craintes, leurs rêves..."
Le réalisateur a affirmé que sa relation avec les adolescents et les enfants ne s'arrête pas au documentaire : "Je repars d’ailleurs sous peu à Cuba pour rendre visite à Albert. Tom, je lui parle par téléphone très souvent, une fois par semaine, et on l’aide à persévérer dans sa voie. Ça va au-delà d’un film et d’un documentaire. Quelque part, ce sont un peu mes enfants. J’essaye de leur trouver des parrains, des sponsors... La jeune indienne du film a eu un mécène qui lui a payé quatre ans d’université par exemple."
Pour Pascal Plisson, Le grand jour a aussi pour objectif de pousser les enfants occidentaux, absents du film, à réfléchir sur le rôle de l'école et de l'éducation : "Ces enfants me touchent profondément et montrent aux nôtres, qui sont parfois très gâtés et choyés, que c’est bien d’aller au bout de ses passions."
Pascal Plisson a un rapport étonnant avec l'école. Il a arrêté ses études à quinze ans, pour voyager. Il a vécu de petits boulots un peu partout. C'est quand il a eu des enfants qu'il a renoncé à sa vie d'aventurier, et qu'il s'est intéressé à l'éducation. "Voir des mômes, comme ceux du Grand jour ou Sur le chemin de l'école, qui font tout pour faire des études quand je les ai moi-même abandonnées, ça me touche, ça m’interpelle. Derrière, il y a peut-être une dénonciation de l’échec scolaire." Il insiste sur le fait que tout le monde peut avoir un grand jour. Il affirme que le sien a été celui du César du meilleur documentaire pour "Sur le chemin de l'école".
Le réalisateur a affirmé qu'après Le grand jour, il avait pensé à faire un documentaire sur les enfants de France et d'Europe. Lui-même a été en échec scolaire et se sent proche des questions posées aujourd'hui sur l'éducation en Europe. "Je suis persuadé qu’il y a des talents ici, partout, dans nos villes, nos banlieues... Il faut les chercher, les aider et leur faire prendre conscience de leur potentiel. J’aimerais bien réaliser un documentaire sur l’histoire de quatre ou cinq familles françaises d’horizons différents", dit-il.