Marina Foïs ! Cette fille a un grain. Deux même : D’abord sa voix, reconnaissable entre mille, avec ce phrasé alangui, ce débit presque amorti qui paraît s’étonner au passage de tous les mots qu’elle prononce. Et ce grain de folie, ce côté gentiment perché, mélange déconcertant de fantaisie et d’indolence dont elle enchante depuis pas mal d’années déjà le cinéma français. Bons ou mauvais films, comédies réussies ou franchement oubliables, chacune de ses apparitions est pour moi un moment d'énorme plaisir, souvent le meilleur, et quelquefois le seul. Vrai, je ne compte plus les personnages qui peuplent ma petite cinémathéque perso (la mademoiselle Lanceval de "La tour Montparnasse infernale", la Natacha de "Filles perdues, cheveux gras" ou l’enquêtrice du "Plaisir de chanter"…). Je suis une fan, une vraie. Et pourtant, je le dis, j’ai été sidérée par la performance de la comédienne dans "Papa ou Maman", ce 1er film de Martin Bourboulon. Remarquablement écrite et dialoguée par le tandem Delaporte / de la Patellière (je ne comprends pas les critiques de ceux qui trouvent le film long à démarrer, victimes sans doute d’une bande annonce dont ils s’étonnent de devoir attendre les scènes aperçues en extraits) cette comédie du divorce pousse très loin le mauvais esprit et la vachardise. Construite sur un savoureux contrepied (on s'y bat non pas pour avoir la garde des enfants, mais pour la refiler à l’autre), elle repose évidemment sur son duo d’acteurs, l’excellent Laurent Lafitte auquel le film doit beaucoup de son énergie cartoonesque, et Marina Foïs qui me parait encore meilleure dans l’exercice. Son débit nonchalant fait ici merveille, créant de salutaires arythmies dans ce qui n’aurait pu être qu’un simple ping-pong verbal. Sens inouï du tempo, jeu d’une modernité vraiment bluffante… elle parvient à donner au personnage de la mère, engagée dans sa folle surenchère, une épaisseur inattendue, rendant tout à fait crédible et attachante cette femme imprévisible. "Papa ou Maman" se voit donc aussi pour ça : une actrice en état de grâce, conjuguant comme personne science du burlesque et capacité à faire naitre des émotions. L’an dernier, on s’en souvient, Sandrine Kiberlain avait reçu le Cesar de la meilleure actrice pour "9 mois ferme" d’Albert Dupontel, ses pairs récompensant sa performance étonnante dans une comédie. Même si (festival de l’Alpe d’Huez oblige) la sortie de "Papa ou Maman" intervient très en amont du bouclage du prochain scrutin, et même si Marina Foïs ne surprendra pas dans le registre comique (bien qu’elle excelle, elle aussi, dans les rôles tragiques - cf "Darling"), les membres de l’académie seraient bien inspirés de se souvenir de sa performance : "Papa ou Maman" est son chef-d’œuvre.